OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La semaine où les musées se sont fait hacker http://owni.fr/2012/10/19/la-semaine-ou-les-musees-se-sont-fait-hacker/ http://owni.fr/2012/10/19/la-semaine-ou-les-musees-se-sont-fait-hacker/#comments Fri, 19 Oct 2012 09:11:09 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=123243 Responsive Museum Week : hacker et remixer les sites Internet existant des musées. C'est le projet dingue, séduisant et d'intérêt public que notre maître ès-graphisme Geoffrey Dorne vous raconte aujourd'hui par le menu. Bon appétit !]]>

Aujourd’hui, c’est un témoignage que je souhaite vous proposer. J’ai lancé cette semaine avec mon ami le créateur de communautés Julien Dorra, la “Responsive Museum Week” Le projet est simple : une semaine pour “hacker” et “remixer” les sites Internet existant des musées !

Aux origines…

Il y a quelque temps, j’ai écrit un article qui a suscité quelques émois et créé des questions/réponses passionnantes à propos du tout nouveau site internet du Centre Pompidou Virtuel, un des plus importants musées français. À côté de cela, mon ami Julien Dorra, se posait la question sur Twitter du “responsive web design” (l’adaptatibilité d’un site Internet à un téléphone mobile, à une tablette, etc.) au sujet de ce même musée.

Deux e-mails plus tard nous étions tous les deux d’accord pour affirmer que bon nombre de sites Internet de musées n’étaient absolument pas utilisables sur téléphone mobile et sur tablette et qu’il fallait faire quelque chose ! En effet, en situation de mobilité et dans n’importe quel musée, les visiteurs se servent de leur téléphone pour prendre des photos des oeuvres (même quand cela n’est pas autorisé), pour tweeter, facebooker, mais également pour se rendre sur le site du musée en question afin de retrouver des informations, des références, etc.

Réfléchir et prendre la parole sont une première étape, faire, créer, agir est l’étape suivante.

Trois jours “quick and dirty” pour créer le projet

Ainsi, nous avons imaginé une semaine créative où chacun maîtrisant un peu le code CSS pourrait “hacker”, “bidouiller”, “remixer” le site de son musée préféré afin de le rendre adapté au support mobile, téléphone, tablette, etc. Chaque musée et chaque internaute se verrait alors offrir en ligne et librement cette nouvelle version ergonomique, élégante, lisible et enfin adapté à ces supports actuels. Nous serons d’accord pour dire que cela ne suffit pas, que l’idéal serait de revoir intégralement l’expérience muséale en ligne, son contenu, sa forme, etc.

Mais… commençons déjà par cette toute petite chose qui est de rendre accessible et lisible nos chers sites web de musée sur un simple téléphone ou tablette, dans la rue, au musée.


Extrait du travail réalisé en collaboration avec Julien Dorra

La Responsive Museum Week est lancée

À la sortie c’est un concept, un challenge, un site internet adapté aux supports mobiles, des partenaires que l’on présente à la communauté des musées, des développeurs, des designers et à tous les curieux.

La mission est simple :

• Choisir le site internet d’un musée
• Modifier sa feuille de styles avec le plugin Stylish ou avec Firebug
• Capturez votre travail et partagez-le !
• Chacun pourra ainsi profiter de ce hack et tester le site s’il avait été adapté pour mobile

Les réactions

Les réactions ne se sont pas faites attendre, on ne touche pas aux musées comme ça. Si l’événement “Museomix” qui a lieu en ce moment à Lyon propose de “remixer” le musée sur place pour réinventer des formes de narration muséale, l’événement “Responsive Museum” propose, lui, de “remixer” les sites Internet des musées pour les rendre mobiles. On ne recréé pas l’intégralité du site Internet comme on ne recréé pas le musée, on s’y insère pour l’améliorer, le hacker de l’intérieur.

Sur Twitter, en revanche, l’appel à la créativité aura été bien reçu.

Une démarche créative et réactive

Ce mode de travail créatif, actif et collaboratif repose sur plusieurs points :

L’observation

En tant que designer, je passe mon temps à observer les usages, les gens, les habitudes, les détournements, les réactions et  de ces observations naissent des “insights”, des éléments intéressants que l’on capture pour venir ensuite créer des ouvertures créatives pour des projets. Ici, ça a été la sortie du site Internet du Centre Pompidou, son positionnement graphique, ergonomique et son accueil auprès du public.

La réactivité

Avec Twitter, quelques e-mails et un Google Document collaboratif, Julien Dorra et moi avons dressé les grandes lignes du projet et nous nous sommes répartis les tâches. J’ai réalisé le design de l’événement et le site Internet (adapté aux tablettes et aux mobiles), Julien a activé sa communauté, rédigé les textes et contacté différents acteurs de la programmation et des musées, notamment.

La collaboration créative

Trois jours après, ce sont déjà cinq musées qui se sont fait “hacker” par cinq bidouilleurs de code et de design. Chacun a pu également aider son camarade de hack et obtenir ainsi de nouvelles compétences. La collaboration créative est, à mon sens, une démarche qui peut être très puissante en termes de résultats, de productivité, d’imagination.

Du web design, orienté pour l’utilisateur mobile

Ci-dessous, voici les premières réalisations des participants. J’ai été très surpris de voir la réactivité et la qualité de ces modifications. En effet, adapter un site Internet au support mobile est une question complexe qui couvre d’une part, l’ergonomie, le design, la lisibilité, le confort de navigation et d’autre part, la programmation orientée mobile. Ici, l’exercice est encore plus périlleux car il est impossible de modifier totalement le code source du site.

À noter que chacun a publié son “hack” sur “Stylish“, un outil qui se rajoute à votre navigateur afin de modifier le site en temps réel lorsque vous y accédez. Tous les “hacks” sont accessibles sur ce tumblr.

Conclusion

Pour conclure ce “Vendredi c’est Graphism”, j’attire surtout votre attention sur la démarche créative que j’ai souhaité mettre en place avec Julien Dorra. Le fait de se réapproprier et de détourner quelque chose, en l’occurrence les musées, provoque la créativité. De plus, proposer un projet focalisé sur un élément très précis (ici, adapter le site Internet aux supports mobiles), ouvre la discussion sur des choses beaucoup plus larges comme la place du musée sur Internet, comme l’expérience muséale en ligne, etc. L’inverse aurait moins créé de débat. Enfin, “hacker” un site, un produit, une démarche, pour l’améliorer en totale autonomie (comme lorsque j’ai sorti Sublyn sans contacter la RATP) permet d’aller au bout des choses sans considérations stratégiques, politiques, décisionnelles, etc. et donc de se concentrer sur une seule voix, celle du design centré utilisateur.

Des enseignements et une approche “design / hacking” que je réitérerai très certainement sur d’autres projets à l’avenir :)

Excellent week-end à toutes et à tous et… à la semaine prochaine !

Geoffrey

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Juste fais le. http://owni.fr/2012/06/16/pses-juste-fais-le/ http://owni.fr/2012/06/16/pses-juste-fais-le/#comments Sat, 16 Jun 2012 08:00:43 +0000 Andréa Fradin et Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=113638

Seconde journée du festival Pas Sage En Seine, l’évènement qui réunit hackers, geeks de tous poils et partisans de l’Internet polisson, du côté de la Cantine, à Paris. Après une journée en forme de rappel des fondamentaux, les intervenants sont entrés dans le dur. Ou plutôt, dans le faire.

Pour un Internet polisson !

Pour un Internet polisson !

Contre un Internet policé, choisissons l'Internet polisson ! C'est en gros le message de Pas sage en Seine, festival de ...

Car si l’intérêt d’un Internet libre et ouvert a été décliné sous toutes les formes au cours de la journée d’introduction, il s’agit de démontrer comment, concrètement, l’application des théories pouvait contribuer à créer de multiples projets. De l’inévitable encyclopédie collaborative en ligne Wikipédia aux monnaies alternatives, en passant par de petits robots dirigés par des lignes de code.

La palme du do it yourself le plus ardu du jour revenant sans doute à l’atelier “reverse engeneering” : un cours interactif pour apprendre à dépecer un malware, ce genre de petit programme qui peut pourrir votre ordinateur de bien des manières, afin de le comprendre et, éventuellement, de l’anéantir. Une conférence d’utilité publique, à destination d’un auditoire averti, susceptible de décrypter (pardon, déchiffrer) des phrases telles que “voilà un snapshot de la machine” ou “on a des batchs qui tournent.”

La carte et le territoire

C’est Gaël Musquet, d’Open Street Map, qui a inauguré cette journée travaux pratiques. Afin d’indiquer aux enfants terribles de Pas sage en Seine comment participer au mieux à ce projet d’envergure internationale, qui ambitionne depuis 2004 “de créer une carte libre du monde.” Une initiative rendue possible par le pouvoir du Net :

Longtemps réservée aux élites, la cartographie s’est vulgarisée grâce à Internet. Google a révolutionné, il y a quelques années, avec ses logiciels, la possibilité de voir des photos aériennes de son quartier, de sa maison… Open Street Map et sa communauté permet de prolonger l’expérience de ces utilisateurs, qui ne sont plus des consommateurs, mais qui deviennent des producteurs.

Gael Musquet (Open Street Map) // Pas sage en Seine 2012 (avec Bluetouff en guest) from Owni on Vimeo.

Une appropriation du territoire par les cartes qui a visiblement séduit les trublions de Pas sage, qui n’ont tout de même pas manqué de demander si on pouvait “repérer les putes sur une carte”. En s’inquiétant au passage de voir Gaël Musquet porter une chemise : ”c’est la DCRI ?”

Okhin pendant la séance de questions à la fin de son intervention sur le MEATSPACE - (cc) Ophelia Noor

La DCRI, ou direction centrale du renseignement intérieure, qui a récemment pris langue avec un certain Okhin, membre de Telecomix et intervenant survolté autour des questions de meatspace, cyberspace et autres questions d’identité, d’intimité et de territorialité. Questions qui résonnent avec les pratiques des habitants d’Internet. Et qu’il développe ici pour nous :

Okhin (Telecomix) et le “meatspace” // Pas sage en Seine 2012 from Owni on Vimeo.

Fin de journée sous le signe du hack appliqué au journalisme. Premier volet, Kitetoa et Bluetouff de Reflets.info, ainsi que Jean-Marc Manach sont revenus en longueur sur la cybersurveillance et les fameuses barbouzeries d’Amesys en Libye. Second exemple, Alexandre Léchenet, du Monde.fr, a rejoint les trois intervenants précédents pour montrer les apports du hacking au journalisme. Illustration à l’appui avec l’enquête sur les dépassements d’honoraires des médecins en Ile-en-France. Alexandre Léchenet a aspiré la base de donnée Ameli. Le résultat est assez surprenant. Et ne nécessitait pas d’intrusion, ni talents de hacking hors du commun.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni


Retrouvez tous les jours :

- le live de Silicon Maniacs

- les vidéos des conférences sur le site de la Cantine

- merci à Maël des Maniacs pour le matériel /-)

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30 ans de bidouille politique http://owni.fr/2011/11/03/30-ans-de-bidouille/ http://owni.fr/2011/11/03/30-ans-de-bidouille/#comments Thu, 03 Nov 2011 07:30:16 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=85216

Andy Muller Maghun à Berlin en novembre 2011, (cc) Ophelia Noor pour Owni

Trente ans de hack et tous ses bits : depuis septembre 1981, le Chaos Computer Club [en] rassemble des hackers, ces adeptes passionnés de la bidouille et du détournement de finalité, en particulier dans l’informatique. Le petit groupe créé à Hambourg a ensuite migré à Berlin avant de faire des petits dans tout le pays, et même à l’étranger, au point de devenir la première organisation de ce type en Europe. Ils sont parvenus à acquérir, à coup de hacks restés dans les mémoires, une véritable influence politique dans le domaine des libertés numériques et de la protection de la vie privée.

Nous sommes revenus sur son histoire en compagnie d’Andy Müller-Maguhn, un de ses anciens, rentré en 1985, à l’âge de 14 ans. Membre du bureau, longtemps porte-parole, Andy navigue aujourd’hui entre plusieurs activités : journalisme (Buggedplanet [en]), consulting en informatique et communication sur Internet et enfin société de chiffrement des communications téléphoniques. Prolixe, affable, le regard étonnamment alerte et l’esprit fin, plein d’humour, l’homme fait vite oublier son physique imposant de nerd grassouillet.

L’entretien a eu lieu autour d’une bouteille de Club-Mate, la très caféinée boisson préférée des hackers, dans les locaux du CCC de Berlin. Un foutraque espace envahi d’objets plus ou moins utiles, souvent récupérés, comme les hackerspaces en regorgent : vieilles consoles d’arcade, tableau d’affichage d’aéroport détourné, stickers de revendication, canapés antédiluviens, et bien sûr câbles à foison, le tout formant un parfait contraste avec le bourgeois quartier de Mitte qui l’abrite.

Le CCC vient de fêter ses 30 années d’existence. À ses débuts, pouviez-vous imaginer ce qu’il deviendrait aujourd’hui ?

Le CCC a été créé de façon informelle en 1981, par des pros de l’informatique qui se réunissaient pour discuter de l’impact des outils informatiques et de leur utilisation sur la société en tant que tel. Ils avaient dressé une liste des problématiques comme la privacy.

Le CCC s’est constitué plus officiellement en 1984, avec la sortie de leur magazine Die Datenschleuder [de] (L’essoreuse à données, littéralement, ndlr) et le premier Chaos Communication Congress. Je l’ai rejoint avant que le CCC ne devienne officiellement une association, en 1996. Je suis un des plus anciens (rires). J’avais envie de partager au sujet du hacking et de rencontrer davantage de gens qui jouaient avec les communications électroniques. Il regroupait des gens de classes sociales très différentes, un groupe très hétérogène mais avec des intérêts communs, c’était inhabituel et c’est encore le cas.

Le club était petit mais nous commencions à être connus en Allemagne, grâce au hack du Bildschirmtext, le Minitel allemand, en 1984. Nous avons rendu l’argent bien sûr, et nous avons donnée des explications publiques sur ce qui se passait.

C’était évident que les personnes qui jouaient avec des technologies qui deviendraient mainstream dix ans plus tard, avec Internet, comprennent, en tant que data traveller, que c’était déjà spécial de pouvoir voyager dans le réseau avec un petit ordinateur, à l’autre bout de la planète. À cette époque, en Allemagne, il y avait de grands mouvements contre les interférences du gouvernement dans la vie privée des citoyens notamment lors de leur proposition de recensement.

Quand je suis arrivé, il y avait 300 personnes. Aujourd’hui, nous sommes plus de 3.500 mais nous ne pouvons pas accueillir tout le monde dans les locaux à cause des normes de sécurité. Les congrès ont grandi petit à petit, et le magazine est passé de 200 lecteurs à un millier. Il était plus important dans les années 1990, c’était un trimestriel en édition papier, maintenant les informations sur le web sont vues en premier.

Le CCC est important dans le temps, dans le sens où différentes discussions y prennent place, des idées naissent, des gens se rencontrent. On peut dire que c’est chaotique, que c’est un endroit très, voire trop dynamique. Nous ne payons pas les gens. Personne n’est payé par le CCC. Cela n’a rien à voir avec l’éthique hacker. Nous voulons que les gens soient là pour la cause et pas pour l’argent, même si ce système a ses limites.

On observe actuellement un buzz autour des hackers, c’est devenu à la mode, c’est un phénomène que vous ressentez au CCC ?

La manière dont nous faisons les choses a tellement changé. Aujourd’hui c’est un mouvement politique et culturel global, ce qui n’a pas toujours été le cas. Dans les années 80, peu de gens comprenaient ce qu’on faisait, c’était une vraie sous-culture, nous avions pas mal de problèmes juridiques, et nous avons dû nous renforcer sur ce point avec des experts. Que pouvions-nous hacker ou pas ? Comment faire la distinction entre ce qui est légal et les activités grises ?

La France est un bon exemple, si vous vous présentiez comme hacker, vous aviez deux options : aller en prison ou travailler pour le gouvernement. Le gouvernement surveillait de très près les personnes qui avaient des connaissances spécifiques dans la sécurité des systèmes Et c’est pour cela que la scène hacker ne s’y est pas autant développée.

Nous nous voyons aussi comme un lobby qui milite pour la protection de la vie privée et donc le contrôle des données personnelles, mais également pour la transparence et les technologies ouvertes, ou encore l’auto-régulation. En 2000 il y a eu l’introduction du mot nerd, comme pour revendiquer le droit de ne pas faire la vaisselle parce qu’on est complètement dans la machine. Mais cette culture geek m’est un peu étrangère, en tant que vieux routard, de même que celle du hackerspace.

À quoi ressemble un membre moyen du CCC ? Vous parliez au début de la grande diversité sociale, est-ce toujours le cas ?

Je ne pense pas qu’il existe un profil type. Nous en sommes à la 4-5ème génération et j’ai arrêté de compter il y a bien longtemps. Comme le CCC est très décentralisé, nous avons des clubs dans toute l’Allemagne et partout dans le monde, les profils sont variés.

Le logo du CCC sur Marienstrasse, Mitte, Berlin

Au début c’était plutôt inspiré par la culture de gauche. La scène de hackers hardcore, la seconde génération, la mienne, était plus variée encore, avec aussi beaucoup de gens qui cherchaient à booster leur carrière, ils ne faisaient que passer mais ils apportaient beaucoup, des idées, des projets. C’est toujours ainsi que les choses vont.

Maintenant, la sphère Internet a apporté de nouveaux types d’emplois. Beaucoup de membres du CCC travaillent dans ce secteur, ils ont leur propres compagnies comme des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), ou ils gèrent des parties du réseau. Ils partagent leurs connaissances mais ils prennent soin des besoins en infrastructure et s’impliquent dans les idéaux que défend le CCC. Pour ce qui est des femmes, nous sommes à peine au dessus de 10%…

Les hackers allemands semblent davantage écoutés des politiques, êtes-vous d’accord ?

Je pense que c’est vrai. Si vous regardez l’environnement politique en Allemagne, le CCC est une entité acceptée et reconnue parce qu’elle fait un travail pédagogique sur les technologies auprès du public depuis les années 1980. Nous avons toujours eu des histoires étranges qui nous parvenaient, sur des données qui disparaissent par exemple, et que nous pouvions expliquer.

Les médias allemands nous ont toujours perçus comme des gens qui savent vraiment ce que sont les technologies, leurs avantages et les dangers, et pas pour des types qui travaillent pour des entreprises ayant des intérêts économiques.

Nous avions donc le pouvoir de la définition et nous l’avons toujours utilisé. Dans les années 1990, avec les questions sur la régulation des télécoms et  la vie privée, nous avons été invités aux auditions du gouvernement. Nous avons essayé d’organiser la participation du public sur ces questions. Nous avons donc une histoire de lobbying vieille de vingt ans plus ou moins.

Nous ne voulons pas être intégrés formellement dans le processus législatif, mais nous jouons un rôle de contre-pouvoir, ils ne peuvent plus nous ignorer totalement. Nous sommes arrivés à un niveau où les politiciens ont besoin de notre expertise, et nous connaissons très bien les lois, nous pointons du doigt les erreurs. Notre avantage est que certains au CCC prennent en charge les questions plus politiques et d’autres celles relatives aux technologies.

Pensez-vous que la scène hacker allemande soit plus influente en raison de l’histoire de votre pays ? Certains disent que les Allemands sont plus conscients de la nécessité d’avoir un contre-pouvoir fort.

Des questions comme celle de la vie privée sont très sensibles, notamment avec l’histoire de l’Allemagne de l’Est. On sait à quel point les abus structurels sont dangereux, parce que nous sommes passés par là, notamment en mettant des étoiles jaunes sur des gens avant de les envoyer à la mort.

Donc nous sommes aux aguets mais cela vient aussi du système éducatif allemand : à l’école, vous apprenez l’histoire du nazisme. Les Allemands sont anti-autoritaires. Vous ne trouverez personne ici pour vous donner un ordre.

Après, en tant qu’Allemand, deux aspects entrent en conflit dans notre code culturel. Vous aspirez à une grande efficacité et une excellente organisation dans ce que vous entreprenez. Mais vous avez aussi l’intime compréhension de ce que la hiérarchie peut apporter de mauvais dans la communication ou dans le fait de traiter les personnes comme des objets ou des pièces détachées.

Salle principale du Chaos Computer Club

Le CCC, par sa structure, essaie d’avoir le meilleur de ces deux mondes : être conscient du mal qui peut être fait, et arriver à faire les choses de manière efficace.

Culturellement, les Allemands de l’ex-RDA sont-ils plus enclins au DIY (Do-It-Yourself, fais-le toi-même) parce que les biens manquaient et qu’ils ont dû se débrouiller pour améliorer leur quotidien ?

Le CCC de Berlin est né de la fusion de deux computer clubs, celui de Hambourg et celui de Berlin-Est. Je venais de Hambourg en 1989 quand le gouvernement d’Allemagne de l’Est est tombé. Nous avons pris contact avec des jeunes talents du club de Berlin-Est. Il est juste de dire que les jeunes avaient du mal à y entrer, ceux qui venaient appartenaient à des familles spécifiques, qui avaient accès à des machines de l’Ouest, des ordinateurs Commodore, etc.

Ils avaient des manières différentes de gérer les choses, ils improvisaient beaucoup. Ils ont aussi apporté leur humour et l’expérience d’avoir déjà renversé un gouvernement. C’est très important, il ne faut jamais sous-estimer la façon dont ils perçoivent le gouvernement de l’Ouest. Pour eux c’est une étape intermédiaire, il faut renverser ce gouvernement à un moment donné. C’est une question de temps. Les différences structurelles ne sont pas si grandes entre ce qui existait à l’Est et le système de l’Ouest. Les humains abusent les humains dans un système socialiste ou communiste. Le capitalisme, c’est l’inverse (rires).

Ils avaient aussi ce côté anti-autoritaire et ils ont été confrontés de près aux services secrets. A Berlin, leur expérience avec la Stasi (la police politique) a beaucoup enrichi le CCC. C’est un des services de renseignement les plus documentés au monde. Nous avons tous leurs manuels, et connaissons les techniques qu’ils utilisaient pour déstabiliser des groupes, semer le doute. Cet apport a été essentiel pour comprendre le monde actuel, et Berlin, cette sorte de bordel, entre l’Est et l’Ouest, avec des influences russes et américaines.

Quels sont vos plus grands succès et regrets ?

Les congrès ont toujours été un baromètre de ce qui se passait. Ils sont devenus internationaux au fil du temps, nous attirons des gens du monde entier, on se rend compte que le mouvement est global. C’est une grande réussite.

Le CCC est maintenant constitué de plusieurs clubs répartis en Allemagne et dans le monde et nous sommes tous connectés entre nous. Les organisations sont propres à chacun, je vois cette diversité comme un atout.

Ensuite, à titre personnel, nous sommes aussi passés par beaucoup d’emmerdes, qui nous ont permis d’apprendre. Nous savons ce qu’il ne faut pas faire, nous en avons tiré les leçons, on peut agir même dans des circonstances difficiles. Que ce soit des enquêtes de police, des gens tués, des intrigues, des discussions avec des points de vue très opposés.

Nous avons d’ailleurs une culture du débat très forte qui a pu dérouter beaucoup de gens. Personne ne quitte la salle, tout le monde reste et échange même si cela nous mène jusqu’à 3 heures du matin.

Mais ce processus de discussion et de création de nouvelles idées est plus difficile aujourd’hui car nous sommes très nombreux. Si vous me demandiez qui compose le noyau dur, je serais incapable de vous le dire. Dans un congrès avec 3.000 personnes, il y a des attentes dans la salle auxquelles il faut répondre. Cependant, ce n’est pas un show, c’est un moment où chaque personne est acteur. Mais comment discuter avec 500 personnes ?

Comment vous organisez-vous du coup ? Le Parti Pirate utilise un outil appelé Liquid Feedback par exemple.

Oui, mais ils sont un parti politique, ils ont sûrement besoin de se mettre d’accord sur certains sujets. La démocratie liquide, c’est aussi déléguer votre non-expertise sur un sujet spécifique a une personne qui a les connaissances et agirait dans le meilleur de vos intérêts.

Mais les communications peuvent aussi passer par des outils comme Jabber ou les chat rooms, ceci dit je suis un peu conservateur sur des outils comme Twitter. Je suis désolé mais en tant qu’Allemand, quand je vois le mot « follower », je pense à l’Allemagne nazie. Je ne peux pas utiliser ça.

Pour revenir sur les regrets, est-ce que Daniel Domscheit-Berg en fait partie ?

Regret ? Quel regret ? Le problème, c’est que vous enregistrez là. Nous nous sommes mis d’accord avec les porte-paroles du CCC pour ne pas faire de commentaires sur Domscheit-Berg. C’est trop controversé. Les gens sont très partagés sur cette histoire, certains pensent qu’il est un type bien et d’autres que c’est un espion américain. J’ai dit ce qu’il y avait dire, dans ma déclaration, qui est très précise sur le sujet.

Quel a été le processus pour l’évincer ?

Le bureau du CCC a pris la décision. En fait, il existait une histoire déjà plus ancienne avec des personnes du club qui étaient mal à l’aise avec son attitude. Mais nous ne voulions pas prendre parti. Nous aimons bien l’idée de faire fuiter des documents, fournir une aide logistique pour soutenir des gens dans une situation délicate avec un gouvernement, parce que nous sommes pour la liberté d’information, un de nos buts historiques.

"Ce système est-il pertinent ?"

Concernant les problèmes entre certaines personnes pour lesquels nous n’étions pas là, nous ne prenons pas partie. Cependant ce que nous ne voulions pas et qui était devenu problématique, c’était que Daniel utilisait régulièrement les locaux du CCC pour donner ses interviews à la presse ou la télévision. Cela laissait l’impression que le CCC était directement impliqué dans son projet. Tous les membres ici ont des projets personnels ou dans lesquels ils participent en tant que contributeurs. En fait, personne ne le connaissait avant qu’il n’arrive de WikiLeaks à nous, et il n’était pas un membre de longue date du CCC. Il ne demandait pas la permission alors que les gens ne cessaient de lui rappeler qu’il devait cesser ce comportement.

Ce qu’il a fait au CCCamp a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Les gens se sont sentis abusés par son comportement, le fait qu’il utilise le camp comme test pour son projet et le déclare ensuite sécurisé. Toujours sans demander l’avis du Club. Je n’étais pas contre son projet ou sa personne mais par exemple, pendant son discours d’introduction, j’ai réalisé qu’il n’était pas question de logiciel open source, que la structure de son projet n’était pas transparente, rien n’était ouvert dans OpenLeaks. Tout était à l’opposé des valeurs et principes du CCC.

J’avais peut-être plus de capacités à exprimer mon malaise face à cette situation. J’ai fait une interview avec Der Spiegel [en]. Cela est inacceptable, c’est ce que j’ai dit. En même temps, j’ai aussi été surpris par la réaction des gens, le virer n’était pas mon idée mais c’est ce sur quoi nous sommes tombés d’accord à la fin, à l’unanimité.

Des gens voulaient lui donner une autre chance, ou attendre la fin du camp, en disant ne nous battons pas à minuit. Ne vous méprenez pas, je comprends l’envie de vouloir des relations harmonieuses mais pour avoir une cohérence dans nos processus et nos idées politiques, il est inévitable d’avoir des discussions qui peuvent fâcher. C’est beaucoup plus sain de dire les choses telles quelles sont. Le temps ne peut pas être toujours au beau fixe.

Des hackers affiliés au CCC ont été liés aux services secrets, certains ont même mal fini comme Karl Koch ou Tron [en]. On sait que le renseignement recrute des hackers, de leur plein gré ou non. Comment gérez-vous ces questions ?

Quand j’ai visité la première conférence de hackers aux États-Unis, j’ai été surpris de voir comment les services gouvernementaux venaient recruter de manière totalement ouverte sur place, à quel point c’était normal de travailler pour le gouvernement. Si votre système de valeur est basé sur votre niveau technique, votre employeur n’a pas d’importance. Mais s’il repose sur la liberté d’information, alors les services secrets représentent le contraire de ce en quoi vous croyez. Leur but est de garder l’information secrète.

J’ai été invité à une conférence à Washington appelée Open Source Intelligence, et j’y ai croisé des gens de l’ambassade d’Allemagne qui en fait venaient des bureaux des services secrets allemands. Je leur ai demandé ce qu’était cette culture du secret : ils me l’ont dit directement, « nous cherchons à ralentir les processus pour mieux les contrôler ».

Entre autres valeurs, les hackers, au sens du CCC, veulent donner à tout le monde le pouvoir de savoir ce qui se passe, afin de les aider à se décider en toute connaissance de cause. De ce point de vue, il n’est pas acceptable pour nos membres de travailler pour ces organismes.

Nous avons vécu des situations difficiles, avec Karl Koch, mais pas seulement : d’autres personnes ont travaillé pour le KGB. C’était la Guerre froide, les années 80, une période difficile avec des enquêtes de police, des fouilles, et entre nous également : à qui pouvions nous faire confiance ? Aujourd’hui, c’est une question d’argent et de carrière. Bien sûr il y a toujours de vrais espions, et puis les informateurs de base, mais ceux-là, on les repère facilement et on sait les gérer. Cependant, le plus problématique, ce sont les gens talentueux techniquement qui ne se soucient pas de savoir qui les paye pour bosser sur les infrastructures d’Internet ou l’interception de données.

L’argent a toujours été un argument et pas seulement chez les jeunes. Bien sûr, quand votre situation n’est pas stable financièrement vous pouvez céder plus facilement, cependant il faut construire une sorte d’immunité contre ça.

Comment construisez vous cette immunité ?

Karl Koch et Tron sont des exemples de figures connues qui sont morts pour ces raisons et ils servent donc d’exemples historique pour la jeune génération. C’est un savoir qu’on transmet. Certains sont venus nous voir en disant qu’ils avaient été piègés par des services secrets. Au début, ce sont des compagnies privées qui les contactent pour un job, et petit à petit il devient clair que le travail demandé est de moins en moins innocent.

Si on vous demande de venir travailler pour le gouvernement, ici, on vous enverra bouler. Mais si on vous appâte avec un challenge technique vous allez y aller. Ils font ça très bien. C’est comme l’histoire de la grenouille qui bout.

Économie, sciences, télécommunications, etc, le programme du dernier Chaos Communication Camp est un véritable programme politique. Les hackers ont-ils commencé à construire une réponse à la crise ? Croyez-vous en leur capacité à peser ?

D’un point de vue pratique, ces camps nous servent d’entrainement à la survie. Est-ce qu’on peut fournir de l’énergie, du réseau, du Club-Mate ?… Le premier camp nous a coûté très cher : nous n’avions pas prévu certaines choses essentielles au niveau des infrastructures, tel que vider les toilettes, ou avoir de l’eau chaude pour les douches.

Cette expérience peut être d’un intérêt vital dans d’autres circonstances : comment construire un réseau internet quand il n’y a aucune infrastructure à disposition par exemple. La scène hacker apporte sa compréhension de l’intérieur des technologies, avec sa façon de soulever les questions technique et politiques, et de se préparer à tout faire par soi-même. Ceeux qui sont déjà passés par là transmettent leur savoir aux autres, et les gens contribuent, participent à ce système ouvert. Je ne sais pas à quel point ce que nous faisons est super sérieux, mais au moins il y a de l’idée, et un état d’esprit.

Que pensez-vous du Parti Pirate ? 4 de leurs 15 élus au Parlement de Berlin sont membres du CCC, cela vous fait plaisir ?

(soupir) Disons-le ainsi : les partis politiques sont des formes d’organisation compliquées. En participant à ce processus, au moins ces cinquante dernières années, vous deviez être d’accord avec ce que la majorité avait décidé, même si vous aviez d’autres idées ou connaissances à ce sujet, d’où l’existence de micro-groupes au sein des grands partis. La démocratie a été définie différemment. Le Parti Pirate est l’occasion de sortir de ce processus. J’aime beaucoup l’idée, c’est sympathique.

Le plus intéressant est de voir combien les autres politiciens ont peur de cette nouvelle organisation. Ils essaient de s’impliquer dans ces questions autour de l’Internet, ils appellent des agences de communication, lisent les papiers du CCC, essaient de parler le même langage que la jeune génération. Les politiciens ne peuvent plus ignorer les jeunes, ce qu’ils ont fait pendant longtemps, de même qu’ils ne peuvent plus se contenter, pour parler des réseaux, d’agiter le spectre de la pornographie sur Internet.

Ils adoptent la “hugging strategy” (stratégie du bisous), du genre « on est copains avec vous » : ils ont essayé de nous inviter, mais nous gardons nos distances, même avec le Parti Pirate. Nous discutons avec tout le monde. C’est sympa le Parti Pirate et nous verrons comment ils évoluent. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils sont attentifs à se maintenir à l’écart des fonctionnements traditionnels.


Interview par Sabine Blanc et Ophelia Noor
Photos par Ophelia Noor [cc-by-nc-nd]

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http://owni.fr/2011/11/03/30-ans-de-bidouille/feed/ 107
Le WiFi libre dans les actes http://owni.fr/2011/09/12/le-wifi-un-bien-commun/ http://owni.fr/2011/09/12/le-wifi-un-bien-commun/#comments Mon, 12 Sep 2011 17:28:00 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=78998

Juillet 2011. Sur un terrain de football perdu au milieu des volcans pyrénéens la Guifineta profite du soleil pour se recharger. Cette petite camionnette de l’association Guifi.net, équipée d’un panneau solaire, d’antennes WiFi, de petits routeurs et autres câbles, parcourt les routes de Catalogne pour connecter les nouveaux utilisateurs d’une des plus grande communautés WiFi en Europe.

Une trentaine de hackers, informaticiens et associatifs se sont réunis dans ce camp d’été de Garrotxa, crée en 2008 par Blackhold, une administratrice système de Guifi.net. L’objectif ? Parler réseaux, technologies sans fil, routage et bidouillages en tout genre, du coucher du soleil jusqu’à 4 heures du matin. De l’autre côté des Pyrénées, les conférences (xarlas) ont lieu la nuit, et le seul moyen de connecter la petite communauté à Internet dans cette zone montagneuse est le WiFi.

Guifi.net est né en 2004 en Catalogne, de la réunion de plusieurs projets qui cherchaient des moyens de connecter les habitants des zones blanches, ces régions rurales, montagneuses ou désertiques non desservies par les infrastructures des opérateurs par manque de rentabilité : “Nous avions commencé à bidouiller des installations en WiFi chacun dans notre coin dès le début des années 2000, explique Jose Legido, un des leaders de la communauté. Tout le monde allait vers le même but, nous avions juste à mettre nos ressources en commun pour être plus forts.”

Une stratégie qui paie puisque la petite association est devenue aujourd’hui l’un des FAI associatifs les plus dynamiques d’Europe. Tout va très vite, des premières connections locales vers un réseau de niveau régional fortement développé en Catalogne et qui s’exporte dans d’autre régions d’Espagne comme l’Andalousie et Madrid. De 5000 noeuds en 2008 on passe à près de 15000 noeuds en 2011, et le réseau ne cesse de s’étendre avec l’installation de fibre optique sur tout le territoire et des partenariats avec des petites municipalités.

L’intérêt ne réside pas seulement dans le fait de profiter d’une connexion gratuite à Internet, mais aussi de participer à la construction d’un réseau qui appartient à tous ses membres. Comme beaucoup de membres présents au camp pendant ces trois jours, José a participé au développement du logiciel qui permet permet de voir la zone où il se trouve en relief, et d’y repérer sur une carte les antennes WiFi qui sont dans sa ligne de mire.

L’association est aussi soutenue par une fondation, créée en 2008 et qui lui apporte un soutien juridique et financier : “nous avons obtenu au bout de trois ans des fonds – 50 000 euros- de la Generalitat de Catalogne pour créer notre fondation en 2008”, explique Jose Legido.

Et c’est le fondateur de Guifi, Ramón Roca, qui monte au créneau lorsqu’il s’agit d’aller défendre la neutralité du net sur le terrain politique ou de militer pour la libéralisation du spectre électromagnétique au sein de l’Open Spectrum Alliance.

Cette montée en puissance du secteur associatif dans les réseaux sans fil depuis le début des années 2000 s’explique notamment par la baisse des prix de l’électronique. Un routeur coûtait la bagatelle de quelques millions de dollars au début de l’Internet et prenait la place d’un frigidaire. Ils coûtent aujourd’hui entre 10 et 40 euros, et certains modèles n’atteignent même pas la taille d’un livre de poche, ce dont se félicite Jose Legido :

Aujourd’hui, un équipement pour se connecter en WiFi avec antenne et routeur coûte entre 70 et 150 euros. C’est un investissement très rentable quand on sait qu’on bénéficie ensuite d’une connexion gratuite à vie.

Berlin, août 2011. Cven, vieux routard parmi les hackers, mal rasé, cheveux grisonnants attachés en une longue queue de cheval, sirote une bouteille de Club Mate, la boisson préférée des hackers, derrière le bar de C-Base, la station spatiale berlinoise, vaisseau amiral des hackerspaces situé au centre de Berlin. Illuminée de néons colorés et des images du dernier Chaos Computer Camp qui passent en boucle sur un écran géant, C-Base accueille aussi depuis ses débuts une des plus anciennes communauté WiFi en Europe, Freifunk (radio libre, en VF), créée en 2002 :

J’organisais plusieurs fois par semaine des ateliers pour montrer comment se servir des routeurs, des antennes, comment programmer le logiciel. La technologie a beaucoup évolué depuis dix ans. Aujourd’hui, tout tient dans une petite boîte, il suffit juste de brancher des fils et d’installer l’antenne.

Pour Cven, l’enjeu était technique, mais également politique : “la partie Est de Berlin avait des problèmes de connexion entre le cuivre et la fibre et beaucoup de gens ne pouvaient pas avoir accès à Internet.” A la même période, Juergen Neumann, co-fondateur de FreiFunk, rencontrait de son côté les pionniers du WiFi en Europe, et la communauté londonienne de consume.net :

L’idée était de fonder une méta-communauté la plus décentralisée possible pour échanger et partager nos savoirs avec d’autres communautés en Europe et dans le monde. Nous voulions innover, rechercher, créer, échanger, en mode DIY (ndlr : Do it Yourself) et open source.

Cven ajoute, très fier : “Nous avons créée notre propre logiciel, le FreiFunk Firmware, utilisé partout dans le monde, mais également notre propre protocole de routage B.A.T.M.AN.” En l’espace de quelques années, la communauté des hackers berlinois a de fait créé un modèle qui s’est exporté dans le monde entier : ses avancées techniques -sur les routeurs et les antennes-, leur conception -ils ont travaillé avec des designers- et la coordination de rencontres internationales des communautés WiFi de Copenhague à Dharamsala en 2006 font encore aujourd’hui référence.

Très vite ces communautés de réseaux sans fil communautaires (on en dénombre une quinzaine en France) ont rédigé des règles de bonne conduite, des constitutions qui définissent ces réseaux. Les utilisateurs sont d’accords pour partager leur connexion et faire circuler les données entre eux, sans porter atteinte aux contenus.

En 2005, Ramon Roca, fondateur de Guifi.net et aujourd’hui Président de la fondation, publia de son côté en 2005 le Comuns Sensefils (Wireless Commons License, en anglais, licence des biens communs sans fil, en VF). Tous les textes de ces réseaux associatifs, décentralisés, porteur de la culture du et des valeurs du culture Libre, ont une valeur universelle et peuvent être repris et adaptés par n’importe quelle communauté dans le monde.

Reste à savoir si ces réseaux communautaires connaîtront le succès des logiciels libres ou encore des Creative Commons. Pour Rop Gonggrijp, fondateur du premier fournisseur d’accès à Internet XS4ALL, l’avenir appartient aux petites structures, décentralisées et flexibles. “Le FAI du futur ressemblera plus à celui des années 90. Nous nous éloignons de l’individualisme et du modèle des grandes structures et les communautés qui survivront seront celles qui auront créé leurs propres réseaux.”


Photos, Ophelia Noor, cc-by-nc-sa
Camp d’été SCG, Garrotxa, Juillet 2011
C-Base, Berlin, Août 2011

À lire aussi : Le WiFi libre entre en résistance

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http://owni.fr/2011/09/12/le-wifi-un-bien-commun/feed/ 15
Le wifi libre entre en résistance http://owni.fr/2011/09/12/wifi-alternatif-ondes-radio/ http://owni.fr/2011/09/12/wifi-alternatif-ondes-radio/#comments Mon, 12 Sep 2011 10:54:05 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=78874

Sensible au lobbying des industriels des télécoms, le Conseil de l’Union européenne pourrait rejeter l’idée de rendre plus accessibles les bandes de fréquence radio, empêchant le développement de réseaux WiFi alternatifs et indépendants. Des rapports intermédiaires du Conseil oublient les amendements du Parlement européen soutenant une utilisation libre des ondes radio. Leur rejet marquerait donc l’opposition du Conseil au développement des réseaux WiFi libres en Europe.

L’innovation contre toute attente

Or depuis le début des années 2000, des communautés WiFi autonomes, indépendantes, fondées sur les principes de la culture libre, existent en Europe comme Freifunk [de] en Allemagne, FunkFeuer [de] en Autriche ou Guifi.net [es] en Catalogne. Elles regroupent des milliers d’utilisateurs qui sont partie prenante du réseau et qui peuvent se connecter à Internet et entre eux pour échanger des mails, passer des appels ou partager des fichiers.

Et jusqu’ici c’est bien la société civile qui a assuré la couverture des zones blanches, délaissées par les infrastructures des opérateurs « pour manque de rentabilité ». Avec les moyens du bord, ces réseaux associatifs se sont implantés dans les zones rurales isolées des Pyrénées ou du Djursland au Danemark et ont contribué à la réduction de la fracture numérique. Mais également chez les Touaregs au Sahara, ou dans les villages tibétains, tous reliés à Internet par la seule volonté et la force d’innovation de ces communautés d’utilisateurs. Elles développent des technologies open source associées, tel le protocole de routage B.A.T.M.A.N. et c’est ainsi que l’on peut trouver des modes d’emplois (pdf) pour la mise en place de réseaux maillés Freifunk en Afrique.

Les communications sur les fréquences WiFi ont explosé en dix ans malgré les contraintes imposées par cette minuscule bande radio de faible portée souvent surnommée « junk band » ou bande poubelle puisque n’importe qui peut l’utiliser. Voulue libre d’utilisation et gratuite par les gouvernements au niveau mondial, ces fréquences sont comprises entre 2,4 GHz et 2,5GHz, ainsi que la fréquence 5 GHz. Cette évolution a été possible sur cette bande du spectre grâce à la baisse des prix de l’électronique, aux possibilités offertes par l’évolution des normes WiFi et aux talents des hackers, bidouilleurs, ingénieurs et autres passionnés d’électronique.

Mobilisation des groupes d’utilisateurs

Des groupes d’utilisateurs sont sur les rangs pour défendre ces acquis et cette culture de la communication libre. Pour que ces réseaux citoyens continuent à innover techniquement et à se développer en dehors de toute pression étatique ou commerciale, il est nécessaire de ne plus se limiter à la « junk band » et de pouvoir accéder à d’autres parties du spectre radio. Le groupe international Open Spectrum [en], composé majoritairement d’ingénieurs en télécommunication, milite ainsi auprès des gouvernements et des institutions internationales comme l’UIT (Union Internationale des Télécommunications, dépendant des Nations Unies) pour faire lever les licences sur les ondes radio. Interrogé par OWNI, Alexander List, un des fondateurs de la communauté WiFi FunkFeuer basée en Autriche, raconte les débuts d’Open Spectrum :

Il y a environ deux ans et demi, tout le monde discutait du dividende numérique et de la libération prochaine des fréquences de la télévision analogique en prenant pour acquis le fait que ces fréquences allaient revenir aux opérateurs mobiles. J’ai tout de suite pensé qu’il serait plus logique de libérer encore d’autres portions du spectre pour les zones rurales. Nous avons réussi à réunir des gens de communautés WiFi, des universitaires, des inventeurs comme Vic Hayes [en], le père du WiFi et des activistes spécialisés dans ce domaine comme Bob Horvitz.

Même si l’Union européenne avec sa politique de gestion du spectre (RSPP) [en] est actuellement en train de tenter une harmonisation sur l’utilisation de cette ressource, les États restent frileux sur la question, selon Félix Treguer de la Quadrature du Net. « Nous avons réussi à faire passer une série d’amendements au mois d’avril mais ils seront sûrement retoqués par les ministres des États membres. »
Et les intérêts financiers en jeu sont conséquents.

Nous savions que nous aurions beaucoup de travail, ajoute Alexander List, particulièrement face aux puissants lobbies des télécommunications. Nous travaillons depuis pas mal de temps du côté américain avec la New American Foundation et nous pouvons compter sur des groupes comme La Quadrature du Net à Bruxelles qui s’est positionnée sur cette question cette année avec succès.

Cependant, ces licences représentent pour les États une manne financière non négligeable, on parle de milliards d’euros, qui préfèrent généralement les vendre aux opérateurs historiques, comme les licences UMTS (3G) il y a dix ans et aujourd’hui la 4G, déployée notamment sur les fréquences de la télévision analogique (800 MHz) qui cessera d’émettre le 30 novembre 2011.

Faire exploser des limitations établies… au début du XXe siècle

De l’autre côté, les opérateurs n’ont pas d’intérêt à laisser filer ces fréquences radios entre les mains de la société civile pour la laisser déployer, à une plus grande échelle et avec plus de puissance, le type de technologies open source développées depuis dix ans sur la bande WiFi. Des limitations imposées par les États et soutenues par les opérateurs, qui ont été établies au début du XXe siècle, et ne sont plus valables aujourd’hui selon Open Spectrum, car elles ne tiennent pas compte de l’évolution des technologies et notamment des recherches en radio intelligente.

Guy Pujolle, chercheur au CNRS, travaille sur ce type de radio dont la norme sera prête d’ici deux ans. Il explique : « C’est une technologie qui utilise les ondes radio de manière intelligente en repérant automatiquement les autres fréquences qui ne sont pas utilisées dans une zone délimitée du spectre radio et dont vous n’avez pas la licence. » Un procédé qui permettra aux utilisateurs de passer d’une bande à l’autre sans interférences et en augmentant par exemple, le débit de leur connexion Internet. Reste à savoir si les opérateurs seront d’accord pour partager ces fréquences. Alexandre conclut :

Le principal problème est que l’État, ou les instances de régulations, se comportent comme les nounous des ondes radios. Or la mise sous licence du spectre est la vache à lait de ministres des finances aux abois. Il ne faut pas oublier que les ondes radio sont un bien commun, comme l’air qu’on respire.


Crédits photo Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales dorywithserifs
Rob Palagret [cc-by-nc-sa]

Image de une Loguy, téléchargez-la /-)

À lire aussi :
Le WiFi ? Un bien commun
Le spectre de nos libertés

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Les chaleurs du festival Burning Man http://owni.fr/2011/09/06/dans-la-chaleur-du-festival-burning-man/ http://owni.fr/2011/09/06/dans-la-chaleur-du-festival-burning-man/#comments Tue, 06 Sep 2011 12:56:39 +0000 Clément Baudet http://owni.fr/?p=78299 MAJ : Le Burning man dans une (belle) vidéo ? C’est comme si vous y étiez et c’est ici.

Tous les ans, au début du mois de septembre, se déroule dans le désert du Nevada le fameux festival Burning Man [en]. Projet collectif un peu fou qui existe depuis plus de vingt ans. La dernière édition s’est achevée la nuit dernière. Cette gigantesque fête collaborative qui prend sa source sur la côte Ouest des États Unis est liée à l’émergence des industries du web dans la Silicon Valley. Une fois cher payée l’entrée, économie du don et culture jamming et Do It Yoursef (DIY, fais-le toi-même) sont joyeusement pratiquées pendant sept jours dédiés à la création. La ville éphémère de Black Rock City attire aujourd’hui de plus en plus de geeks et autres fous de nouvelles technologies. Exemple parfait des liens qui existent entre les hippies de San Francisco et les dirigeants de Google…

Burning Man c’est un peu une incarnation de la Zone d’Autonomie Temporaire d’Hakim Bey, avec couleurs, costumes excentriques, installations artistiques, numériques et pyrotechniques hors du commun, voitures mutantes (art cars) tout droit sorties de MadMax errant dans un décor post-apocalyptique, interdiction de pratiquer toute transaction commerciale pendant le rassemblement… Black Rock City [en] est un « espace autre », recréé ex-nihilo par des milliers de « burners » qui forment cette ville qui devient alors la troisième plus grande du Nevada.

La première fois que j’en ai entendu parler, c’était en 2009. Des amis me montrent sur YouTube quelques vidéos qui posaient ce cadre. Scotché, j’ai passé la nuit à regarder des photos. Une chose était sûre, il fallait que j’y sois là-pour la prochaine édition. Grâce à CouchSurfing [en], – le site Internet d’hospitalité qui permet de squatter, partout dans le monde, un canap’ pour la nuit – je trouverai une place dans un véhicule pour me rendre sur la playa, cette vaste étendue désertique d’où émerge Black Rock City.

Black Rock City, ville éphémère

Expérience communautaire ou utopie urbaine, je ne savais trop quoi penser en arrivant dans la ville. Organisée en arc de cercle ouvert sur le désert, on s’y repère comme sur un cadran d’horloge imaginaire. C’est au centre de que s’élève le man, véritable axis mundi, centre spatial et temporel du rassemblement : une effigie en bois de forme humaine de plus de vingt mètres de haut qui sera brûlée le samedi soir dans une festive effervescence. Black Rock City est une grande bourgade qui possède un aéroport, un bureau de poste, des journaux quotidiens (comme le Black Rock Beacon [en]), plusieurs stations de radio, et de nombreux autres services rendus possibles par la participation bénévole des burners. Il y a même un éclairage public ! Les lamp lighters [en] allument tous les soirs des lampes à huile le long des plus grandes « avenues » de la cité.

Loin de ressembler à une vaste anarchie, dix principes servant de référence se sont progressivement imposés à Black Rock City, sorte de contrat social informel adopté par les participants. Pratique du don, libre expression de soi, autonomie de chacun sont encouragés en mettant l’accent sur la solidarité, la responsabilité écologique et la communauté. Selon la devise « leave no trace », les burners sont invités à protéger cet espace naturel en ne laissant aucune trace physique. Après l’événement, une équipe de bénévoles passe plusieurs semaines le site au peigne fin.

L’absence de relation marchande est ce qui frappe le plus. Excepté pour l’achat de la glace ou du café, l’argent est banni et chacun doit apporter de quoi survivre dans des conditions climatiques difficiles (chaleur, fréquentes tempêtes de poussière) et être autosuffisant en eau et en nourriture.

This is not a consumer event. No spectator, participant only !

Mais ça va plus loin que ça. Burning Man repose sur l’idée de l’inclusion radicale et de la participation active de chacun. Certains offrent des poèmes, de la nourriture (des pancakes servis tous les matins en plein désert, si c’est possible !), d’autres organisent des concerts, des jeux absurdes, construisent de manière collective des installations artistiques, des camps à thème, projettent des films, se déguisent ou se baladent plus simplement à poil… Une stimulation de la créativité et de l’imagination qui ramène en enfance, assis devant une feuille blanche, la trousse remplie de crayons de couleur. J’ai ainsi distribué aux burners des citations de philosophie, écrites à la main dans de petites enveloppes. Au gré des rencontres, des surprises, des déambulations sans fin dans ce parc d’attraction pour adultes, gigantesque musée d’art contemporain à ciel ouvert. La musique, à dominante électronique, accompagne jusqu’au petit matin les danseurs et la diversité sonore [en] présente sur la playa ravit toutes les oreilles.

La nuit tombée, l’émerveillement visuel vous saisit de plus belle. The Serpent Mother, une sculpture géante du groupe d’artistes Flaming Lotus Girls [en], représentant un serpent enroulé autour de son œuf, crache du feu. Sous un gigantesque dôme, Thunderdome – oui, le même que dans le troisième volet de la trilogie Mad Max ! -, des burners s’affrontent. J’avoue avoir passé plusieurs nuits à jouer au Groovik’s Cube [en], une installation numérique lumineuse inspirée du célèbre jeu Rubik’s Cube. Trois personnes pouvaient faire tourner les axes du cube à partir de d’emplacements situés autour de la structure.

De la Cacophony Society à Google

Lorsque Larry Harvey et son ami Jerry James ont construit en 1986 une effigie en bois pour la brûler à Baker beach au pied du Golden Gate Bridge à San Francisco, ils ne se doutaient pas qu’ils allaient donner naissance à un tel mouvement. Parce que c’est bien d’un mouvement dont il s’agit. Rassemblement incontournable pour les jeunes et les moins jeunes de la baie de San Francisco, Black Rock City comptait plus de 50 000 personnes en 2010. Parallèlement, des centaines évènements similaires se développent et s’organisent à l’échelle locale, aux États-Unis et ailleurs, autour des mêmes principes. C’est le festival Nowhere en Espagne, le Kiwiburn en Nouvelle Zélande ou l’Afrikaburn en Afrique du Sud.

Brian Doherty raconte avec passion la genèse de cet homme en feu dans son livre This is Burning Man [en]. En 1990, suite à l’interdiction par les autorités locales (la Local Park Police) de brûler le man sur la plage de Baker Beach, il fut démonté et transporté au Zone Trip [en], un événement artistique organisé en plein désert de Black Rock par un regroupement d’excentriques urbains néo-situationnistes de San Francisco : la Cacophony Society [en].

Chaque année, le nombre de participants va doubler pour atteindre 4.000 personnes en 1995. Rassemblement anarchique à ses début, espace de liberté totale dédié aux expérimentations, même les plus dangereuses (le port d’arme n’était pas interdit et Brian Doherty raconte bien les accidents des premières années), les participants vont vite créer une organisation à but non lucratif pour lui permettre de croître et surtout de perdurer. Aujourd’hui la Burning Man Organization [en] emploie une trentaine de personnes à l’année et comprend un comité exécutif de six membres permanents (dont le cofondateur Larry Harvey) responsable des obligations légales et financières de Burning Man. Le billet d’entrée à Black Rock City varie en fonction de la date d’achat et s’élève aujourd’hui entre 210 et 300 dollars. Il permet de financer les installations sanitaires et médicales de Black Rock City et de reverser de nombreuses bourses [en] pour les projets artistiques.

Si certains anciens burners que j’ai rencontrés déplorent le succès de Burning Man, il reste un lieu unique de création et de libre expression. En 1995, Matt Wray décrivait Black Rock City comme un patchwork inégalé de la contre-culture américaine :

Toutes sortes d’espèces coexistent ici, une encyclopédie vivante de sous-culture : des survivants du désert, des primitifs urbains, des artistes, des rocketeers, des hippies, des Deadheads, des queers, des pyromanes, des cybernautes, des musiciens, des harangueurs, des frappés de l’éco, des têtes d’acide, des éleveurs, des punks, des amoureux des armes, des danseurs, des amateurs de sado-maso, des nudistes, des réfugiés du mouvement des hommes, des anarchistes, des raveurs, des transgenres et des spiritualistes New Age

Hippies 2.0 : Silicon Man et Burning Valley

Mais ce n’est pas un rassemblement de hippies traditionnels comme le donne à voir un des épisodes de South Park [en]. Il attire rapidement des ingénieurs en nouvelles technologies de la baie de San Francisco qui surfent sur la dot-com bubble [en]. En novembre 1996, Bruce Sterling publiait dans Wired magazine un article [en] sur Burning Man dans lequel il comparait Black Rock City à « une version physique d’Internet ». Cet événement va ainsi rapidement devenir la destination phare pour les nouvelles élites de l’informatique [en].

De nombreux ingénieurs des environs de Palo Alto s’y rendent régulièrement comme le soulignent les études de Fred Turner, Robert Kozinets et Lee Gilmore [lien ?]. Parmi ces digerati, Jeff Bezos, directeur fondateur d’Amazon.com, Larry Page et Sergey Brin, fondateurs de Google, participèrent plusieurs fois. L’origine des logos à thème de Google serait même directement lié à leur voyage en 1998.

Howard Rheingold, théoricien de la notion de « communauté virtuelle » (The Virtual Community, 1993) et spécialiste dans l’étude des rapports entre et l’homme et les nouvelles technologies, s’y rend lui tous les ans. Il dévoile les projets artistiques qu’il y prépare chaque année sur son compte Twitter.

Les liens entre le Silicon Man et la Burning Valley [en] sont évidents : ils s’inscrivent dans la même zone géographique et rassemblent les mêmes participants. Preuve à l’appui : cette vidéo (de 37 minutes !) réalisée en 2007 par deux employés de Google qui nous apprennent comment cuisiner à Burning Man.

Mais comment expliquer que les dirigeants et les employés des plus grandes entreprises du web décident d’aller passer tous les ans une semaine au milieu de nulle part ? Le journaliste Quentin Noirfalisse rappelle bien que la cyber-culture prend ses racines dans les mouvements contre-culturels de la fin des années 1970. Synthèse de la culture alternative et de la techno-culture, Burning Man est un sujet de discussion sur Internet dès 1994, notamment sur The WELL, première communauté virtuelle créée par Stewart Brand, célèbre éditeur de la revue Whole Earth Catalog. Larry Harvey a lui aussi abordé en 1997, dans un discours un rien prophétique, les liens de continuité entre Internet et Burning Man :

Burning Man et Internet offrent tous les deux la possibilité de rassembler de nouveau la tribu de l’humanité, de parler à des millions d’individus dispersés dans la grande diaspora de notre société de masse.

Internet et Burning Man : zones d’inclusion radicale

Selon les recherches de l’anthropologue américaine Lee Gilmore, « pour la communauté de Burning Man, Internet va être un outil essentiel pour organiser, communiquer et construire Black Rock City. Les burners de tous les coins du monde restent connectés toute l’année à travers de nombreuses mailinglists globales et régionales (…) ». Parmi elles, e-playa et bien d’autres communautés en ligne comme tribe.net, livejournal.com et Facebook, dont la page de Burning Man compte plus de 241 990 amis. À Black Rock City, comme dans le cyberespace, les burners portent des playa names [en], pseudonymes de circonstance donnés généralement par d’autres burners et depuis 2003, un Burning Man virtuel, – Burning Life – est organisé dans Secondlife au début du mois d’octobre. Un rassemblement d’avatars qui brûlent un man digital dans un décor désertique. Oui, on peut le dire, Burning Man est un vrai rassemblement de geeks créatifs.

Si le développement d’Internet et de son industrie semble lié à l’émergence de Burning man c’est qu’il existe des convergences de valeurs ou convergences culturelles pour reprendre le terme du professeur Henry Jenkins [en]. Black Rock City est peut-être bien une incarnation physique d’Internet comme le déclarait Bruce Sterling. Ce rapprochement est repris par Lee Gilmore : « Internet est le secteur dans lequel la frontière entre participant et observateur et surement la plus obscure, et Internet comme Burning Man sont des zones d’inclusion radicale et le libre expression. » L’interactivité, la participation promue à Burning Man est alors la même que celle du web 2.0.

Certaines entreprises n’hésitent pas à payer des billets à leurs employés pour s’y rendre, dans une démarche professionnelle susceptible d’augmenter leur créativité comme le relève [en] Vanessa Hua, journaliste au San Francisco Chronicle. Pour des entreprises qui recherchent l’innovation, cette incroyable créativité est une véritable mine d’or, à tel point que Chris Taylor publiait en 2006 un article [en] sur le sujet dans le Businnes 2.0 magazine en incitant les lecteurs à venir découvrir et participer. C’est aussi un lieu de rencontre, qui permet de se faire des contacts. Vanessa Hua souligne qu’il est relativement tabou d’y parler boulot ou argent, mais que les contacts se nouent facilement dans ce cadre informel où chacun, libéré des hiérarchies du monde réel, est à même de déployer toute sa créativité en plein désert. Sympa comme cadre de rencontres professionnelles.

Une infrastructure culturelle pour la Silicon Valley

Fred Turner, professeur de communication à l’université de Stanford analyse les liens qui existent entre cet événement et l’émergence des industries en nouvelles technologies de la Silicon Valley. Burning Man est selon lui, une infrastructure culturelle qui permet l’émergence de nouvelles fabrications de médias (new media manufacturing). Cette infrastructure culturelle repose sur une organisation collaborative du travail, la common-based peer production [en] théorisée par Yochai Benkler de l’Université d’Harvard, lui-même auteur de La Richesse des réseaux (2006), où il analyse les manières dont les technologies de l’information et de la communication permettent des formes augmentées de collaboration qui transforment l’économie et la société. On est pas loin des smart mobs d’Howard Rheingold, son livre sur les potentialités des nouvelles technologies pour augmenter l’intelligence collective.

Cette organisation collaborative du travail se retrouve à la fois dans des projets Open source, les licences Creative Commons, dans Wikipédia, et également à Burning Man : Il est possible de participer, en écrivant un article, en apportant un savoir-faire, qui est « donner » à la communauté, dans la même logique qu’une installation artistique ou une performance réalisée à Burning Man.

En prenant l’exemple de Google, Fred Turner dans son article (en ligne [pdf, en]) démontre de quelle manière Burning Man peut être considéré comme un support idéologique aux nouveaux modes de productions mis en œuvre dans la Silicon Valley.

Turner dénonce cette nouvelle d’organisation du travail qui fusionne épanouissement personnel et professionnel, lieu de travail et lieu de vie, temps de travail et temps de loisir. Loin d’une visée purement humaniste, elle permettrait d’augmenter la productivité et la créativité des employés. En témoignent les installations artistiques et numériques réalisées de manière collaborative, ou des programmes comme Burning Man Earth, un projet réalisé par des burners développeurs et programmateurs informatiques avec l’équipe de Google Earth. L’objectif ? Permettre une visite virtuelle en 3D de Black Rock City tout en développant (bénévolement bien sûr) de nouveaux outils pour la plateforme de Google Earth.

Burn, baby burn ! Mais qui est cet homme qui brûle ?

Cette effigie en bois n’est pas sans rappeler The Wicker Man, ce mauvais film d’horreur de 1973, mais Larry Harvey affirme n’avoir pas vu le film lorsqu’il y mit le feu pour la première fois. Que représente-t-elle alors ? Quel sens peut-on y trouver ? François Gauthier, professeur d’anthropologie à l’UQAM à Montréal considère que Burning Man, c’est « l’indétermination de sens qui est la condition de possibilité de la communauté ». Le man, cette sculpture de forme humaine au genre neutre, n’a aucune signification préétablie. Mais le succès de ce rassemblement réside peut-être dans le fait qu’il nous dit quelque chose de notre époque, qu’il fusionne l’héritage de la contre-culture hippie et la cyber-culture, s’inscrivant dans le développement d’Internet et des nouvelles technologies. Le man, comme un totem post-moderne, ne serait alors que le symbole du changement et du dépassement.

Et cette volonté, cette force de création, peut faire penser à l’euphorie technophile qui se retrouve dans le mouvement transhumaniste. On aperçoit d’ailleurs des images de Burning Man en introduction de TechnoCalypse, documentaire de Frank Theys consacré au transhumanisme. Grâce aux nouvelles technologies, il est aujourd’hui possible de transcender les limites humaines, tel serait le message. L’homme est aujourd’hui capable de se transformer, et il n’y a qu’un pas entre la création numérique, informatique et biologique. “Humain, trop humain” écrivait Nietzsche, Burning Man professerait-il l’avènement d’une l’humanité 2.0 ?

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et toi, lecteur d’OWNI, ça te dis d’aller faire un tour à Black Rock City ? N’oubliez pas vos googles goggles (lunettes anti duststorm) et see you on the playa ! ;)


Cliquer ici pour voir la vidéo.


N.B : Un grand merci à @aSciiA pour son aide à la rédaction de cet article.

Crédit photos : FlickR CC PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales par foxgrrl par zenzineburner ; par Michael Holden par zenzineburner; DR Google; par jonandesign; par Halcyon

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http://owni.fr/2011/09/06/dans-la-chaleur-du-festival-burning-man/feed/ 0
Une lumière crue dans la nuit de la finance http://owni.fr/2011/09/05/une-lumiere-crue-dans-la-nuit-de-la-finance/ http://owni.fr/2011/09/05/une-lumiere-crue-dans-la-nuit-de-la-finance/#comments Mon, 05 Sep 2011 09:43:40 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=71817 Le 17 septembre, les collectifs nés des mouvements sociaux et démocratiques en Espagne, en Grèce, occuperont les bourses de New-York, Madrid, Londres, Tokyo, Athènes et d’autres villes encore. C’est aussi le jour de l’arrivée des marches des indignés à Paris, commencées en Espagne au mois de juillet dernier, avant l’ultime étape bruxelloise le 8 octobre.

C’est dans ce contexte que nous vous faisons découvrir le collectif espagnol d’artistes street-art, Luz Interruptus, qui avait créée littéralement, un envol de 80 doubles pages des sections économiques des grands quotidiens nationaux, illuminées, sur les marches du palais de la Bourse de Madrid en pleine crise financière en 2009: le vent nous amène la crise.

Du recyclage à la surveillance en passant par le nucléaire ou la crise économique, Luz Interruptus se déploie à la tombée de la nuit, allumant ça et là des petites lumières à l’intention de leurs concitoyens en réaction à un thème de société ou à une actualité qui leur tient à coeur.

La police est partout ? Qu’à cela ne tienne, ils collent, en l’espace de quelques heures, de faux gyrophares fabriqués avec des verres en plastique, de la cellophane bleue et des lumières intermittentes, sur tous les toits des voitures d’une place du quartier de Malasaña. Le nom de l’installation? Tant de police, pour si peu de gens…

Ce collectif street-art a récemment monté des installations inspirées par les mouvements démocratiques du 15 mai en Espagne et dont la dernière en date, réalisée pour le festival Dockville de Hambourg, porte sur les conséquences de l’explosion de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon. On peut s’attendre à ce qu’il réagissent aux prochains évènements, et embellissent des éclats de leurs créations, phosphorescentes, luminescentes et féériques les rues de Madrid ou d’autres villes d’Europe.

Sous la menace nucléaire

Avec notre mystérieuse armée de 100 personnages radioactifs illuminés, avançant de manière menaçante, sur le site en plein air du festival Dockville, nous voulions inviter à la réflexion sur l’utilisation et l’abus de l’énergie nucléaire, peu coûteuse économiquement mais qui a des effets secondaires dévastateurs et irréversibles pour l’environnement et la santé publique.

Temps d’installation: 6 jours
Dommages: aucun
Temps d’exposition: 30 jours.

Faune et flore préservée

Nous déplorons le manque d’espaces verts à Madrid, et nous avons décidé pour cette raison de partir à la recherche de ces petites plantes qui poussent timidement dans les endroits les plus inattendus. Nous voulions de manière symbolique les protéger et les préserver, ce que nous avons fait avec des petites serres portables pour les abriter de la pollution, et un troupeau d’animaux pour les accompagner.


Temps d’installation dans la rue: 5 heures.
Dommages: aucun
Temps d’exposition: plus de 12 heures

Au revoir Sol, on rentre à la maison

Le 12 juin, le mouvement du 15 mai se retirait officiellement de la place de la Puerta del Sol, passant le contrôle aux assemblées de quartier et laissant à l’endroit du campement, un point d’information, comme un phare montrant le chemin, rappelant aux indignés qu’ils pourront toujours revenir, si les circonstances se présentaient…

Durée d’installation: 2 heures
Dommages: aucun
Temps d’exposition: 1 heure

Recyclage électoral

Nous avons réalisé cette intervention le jeudi avant les élections municipales et régionales en Espagne, à un moment crucial pour notre démocratie où les gens descendaient dans la rue pour exprimer de manière pacifique leur mécontentement et leur opinion sur la classe politique qui nous a entraîné dans cette crise dont ne nous voyons pas la fin.


Temps d’installation: 5 heures.
Dommages: aucun
Temps d’exposition: + de 24 heures

La mer urbaine

Les containers de gravas des rues de Madrid sont comme des bateaux échoués entre les voitures, en attente de la marée qui ne viendra jamais les emporter vers le large.


Temps d’installation: 2 heures
Dommages: aucun
Durée de l’intervention: 24 heures


Source : Luz Interruptus
Photos de Gustavo Sanabria ©

Image de Une Marion Boucharlat

Retrouvez le dossier complet

La cote de la révolte
Occuper Wall Street et son esprit

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En direct depuis le Chaos Communication Camp http://owni.fr/2011/08/10/en-direct-depuis-le-chaos-communication-camp/ http://owni.fr/2011/08/10/en-direct-depuis-le-chaos-communication-camp/#comments Wed, 10 Aug 2011 12:29:46 +0000 S. Blanc, O. Noor et JM Manach http://owni.fr/?p=75892 OWNI a planté sa tente au Chaos Communication Camp pour 5 jours. Le lieu ? Une ancienne base militaire de la RDA, truffée d’avions de l’époque, et reconvertie en musée en plein air. 3500 hackers sont attendus pour ce qui passe pour le plus grand rassemblement du genre en Europe. Stay tuned /-)

Dans les épisodes précédents:

- Jour 1 : Le Storify de l’arrivée de l’équipe d’OWNI sur place
- Jour 2 : Interviews vidéo de James Carlson et de Quentin Noirfalisse
- Jour 3 : Où l’on apprend qu’il y a des enfants dans un campement de hackers et ce qu’est le “Guerrila Knitting”
- Jour 4 : Interviews de John Gilmore (EFF) et de Okhin (Telecomix)
- Jour 5 : Interviews vidéo de Birgitta Jònsdòttir, Macro du C-Base, Mitch Altman, Benjamin de la Quadrature du Net et Eric Corley

Mitch Altman

Le visage serein de Mitch Altman, le créateur de TV-be-gone, figure historique des hackers.

Photo Ophelia Noor CC by sa nc

#cccamp11 Day 5

Eric Corley – 2006 hacker quarterly : « c’est normal de présupposer qu’on ne nous dit pas la vérité. »

Emmanuel Goldstein est l’ennemi d’État de Big Brother dans le roman d’Orwell, l’homme que tout le monde doit haïr et qui justifie toutes les mesures sécuritaires de cet état totalitaire. C’est aussi le pseudonyme choisit par Eric Corley, figure du mouvement hacker américain et éditeur de la revue 2600.

Birgitta Jónsdóttir : “Maintenir la liberté d’informer telle qu’elle devrait être : libre.”

La député islandaise Birgitta Jónsdóttir est à l’origine de l’initiative Islandaise pour la Modernisation des Médias (IMMI), une résolution visant à faire de l’Islande un paradis pour la liberté d’expression, soutenue par WikiLeaks.

Macro: “J’espère que faire partie d’un hackerspace ne sera plus aussi underground”

Créé en 1995 à Berlin, le C-Base est un des premiers hackerspace au monde, même s’il se définit davantage comme un makerspace. Fort de 350 membres, il accueille des événements du Chaos Communication Club et des performances artistiques. Rencontre sous leur tente avec Macro, leur “chef” actuel.

Mitch Altman : « ce réseau de hackerspaces va changer le monde comme jamais »

Figure historique du hacking, créateur de la TV be gone, une télécommande universelle pour éteindre la télévision, fondateur du hackerspace de San Francisco Noisebridge, Mitch Altman a animé de nombreux workshops durant ce CCC11. OWNI l’a attrapé au détour d’un atelier soudure destiné aux enfants.

À lire aussi sur OWNI, une interview de Mitch Altman.

LOL = Lots Of Leds

r0ket, le badge électronique distribué aux participants du CCC, permet de jouer à Space Invaders, entre autres fonctionnalités, et de nombreux hackers l’ont déjà modifié. Benjamin, de la Quadrature du Net, en profite pour nous présenter le LoL, un kit qui permet, notamment, de jouer à Tetris…

#CCCAMP11 – Hack da Rocket badge ! [FR] from Owni on Vimeo.

 

#CCCAMP11 – LoL Shield Arduino [FR] from Owni on Vimeo.

La tente de Telecomix au CCC11.

Photo Ophelia Noor CC by sa nc


#cccamp11 Day 4

John Gilmore

Pionnier des logiciels libres, l’Américain John Gilmore est aussi l’un des co-fondateurs de l’Electronic Frontier Foundation (EFF), la première des organisations de défense des libertés sur le Net. Il s’est aussi illustré en attaquant en justice les mesures de surveillance des passagers aériens mis en œuvre par les autorités américaines sous couvert d’anti-terrorisme.

Okhin, de Telecomix

Okhin fait partie de Telecomix, qui s’est notamment fait connaître en aidant les Tunisiens et Égyptiens à se connecter à l’internet, au moyen de vieux modems téléphoniques classiques, quand leurs autorités avaient coupé, lors du Printemps arabe, l’accès au Net et au réseaux de téléphonie mobile.


#cccamp11 Day 3

Le tricot subversif

Sur un canon de char, autour d’un micro de pilier… lors de cette édition 2011 du CCC, on a vu fleurir de-ci de-là des pièces de tricot. C’est l’œuvre du groupe “Hackers on a needle”. Un art utile, mais pas dans le sens où mémé l’entend : le tricot tient chaud mais en plus, c’est une technique ancestrale de chiffrement de message, bref de l’encryptage ultra-résilient. Explications avec Medusa, Anke, Tessa et leurs amies, autour de pelotes de laine dans la tente d’OpenLeaks.

À voir aussi :
Reportage de Tracks sur le yarn bombing
Images de guerilla knitting
http://yarnbombing.com/
Groupe Flickr Urban knitting

Rop Gonggrijp : « un rêve devenu réalité »

Le Hollandais Rop Gonggrijp est un acteur historique de l’Internet en Europe et une figure hacker majeure. Il a, entre autres, co-fondé le premier FAI pour les particuliers, XS4ALL.

De la cave au jardin d’enfants

Prenez une ancienne base militaire de la RDA, transformée en musée du souvenir des restes de l’aviation crypto-soviétique, et invitez-y quelque 3500 hackers, pendant 5 jours… Bienvenu au Chaos Communication Camp 2011, le plus grand rassemblement de ce type en Europe, et l’un des plus gros dans le monde, organisé par le Chaos Computer Club (CCC), la plus ancienne, la plus influente, et la plus importante des organisations de hackers au monde.

La statue de Lénine ? Ils lui ont rajouté deux platines, un casque, façon DJ. Les arbres et les avions servent d’écran 3D de projection, illuminés, la nuit, de spots de toutes les couleurs. Et le nez de l’un des coucous a été recouvert d’une sorte de chaussette bariolée tricotée par un hacker. Car il y a aussi un atelier “tricot pour les nerds”, et même un projet collaboratif, un peu plus subversif que les pulls de mamie , et on a vu plusieurs “hackeuses” passer le temps en croisant les aiguilles.

Les immenses bunkers aux portes en béton armé, épaisses de plus de 50 centimètres, sont utilisés comme salles de conférence, ou pour accueillir ceux qui veulent connecter leurs ordinateurs à une prise de courant. Entre les deux principaux bunkers, une navette spatiale. Normal : l’objectif affiché, cette année, est d’envoyer dans l’espace un satellite, construit par des hackers, afin d’empêcher quiconque de pouvoir censurer l’Internet. Puis d’envoyer un hacker en orbite, puis sur la Lune…

Utopie ? Pas forcément… La précédente édition avait de fait contribué à révolutionner les pratiques et la perception que l’on se fait de cette communauté. A l’époque, on ne dénombrait “quequelques dizaines de “hacklabs”, ateliers destinés à rendre les gens indépendants des multinationales du web grâce aux logiciels libres, et lieux de démocratisation du hack et de la bidouille, dans des squatts et centres sociaux italiens et espagnols notamment. A Berlin, le C-Base à Berlin, ainsi que le Metalab à Vienne, voulaient donner plus d’ampleur à ce que l’on appelle aujourd’hui les hackerspaces. L’idée : créer des lieux d’échange et de partage pour permettre aux hackers de bidouiller et développer des projets et objets physiques, et plus seulement logiciels.

Que mille hackerspaces fleurissent

Des Américains, venus en 2007 au précédent CCC dans le cadre d’une tournée européenne organisée par Hacker on a plane, une sorte de Croisière s’amuse aérienne pour hackers, y découvrirent ces hackerspaces, et en importèrent le concept aux États-Unis. Aujourd’hui, on en dénombre près de 500 dans le monde, dont plus de 150 aux USA.

Si l’image du hacker reste encore accolée aux questions de sécurité informatique, la réalité est tout autre : ici, on parle et bidouille aussi et surtout la téléphonie, les robots, drones, et tout ce que l’on peut faire ou imaginer avec l’électronique.

Ceux qui ont ramené un téléphone Dect (ces téléphones sans fil utilisés à la maison), ainsi que ceux qui ont désimlocké leurs mobiles, peuvent ainsi utiliser le réseau téléphonique déployé sur la base, et qui permet de téléphoner, gratuitement, entre hackers participants. De vieux postes militaires des années 60, que l’on active à la manivelle, ont même été réactivés.

Plusieurs “dataloos”, sorte de cabine de toilettes, sont installées dans le camp(ing) pour permettre aux hackers de se connecter physiquement au Net, et au courant, depuis la tente. La nuit, sous la pluie, des dizaines restent ainsi assis sous leurs auvents, certains jusqu’à l’aube, devant leurs écrans. D’autres ont dressé d’immenses tentes où ils ont aussi installé fers à souder et autres imprimantes 3D pour triturer micro-contrôleurs et moult autres composants électroniques.

Le badge distribué à l’entrée à chacun des conférenciers ? Un fusée Do-It-Yourself, à monter soi-même, le r0ket, avec un écran de téléphone que l’on customise pour y faire défiler son pseudo, des fractales, générer des mots de passe ou encore… jouer à Space Invaders. Une tente est d’ailleurs dédiée aux jeux vidéos old school. Pour ce que le ludique est le propre du hacker, comme l’avait expliqué Pekka Himanen dans son Éthique hacker.

Finie, l’image du mâle nerd boutonneux greffé à son pizza-Cola devant son PC. Aujourd’hui, la boisson reine des hackers est le Club-Mate, sorte de thé argentin dont le taux de caféine naturelle (20mg pour 100 ml) est censé maintenir les sens en éveil.

Mais surtout, question de génération, de plus en plus de hackers ont aussi des enfants. Car si la majorité des participants sont des hommes, pour partie barbus (dont certains en jupe), le CCC accueille également plusieurs dizaines de bébés et enfants, venus camper avec leurs parents dans l’espace réservé aux familles, et qui ne sont pas les derniers à s’émerveiller devant les nombreux robots, quadricoptères et drones bariolées de Leds colorées qui volent en quasi-permanence au-dessus du Camp.

Par-delà les questions de logiciels et de sécurité informatique, qui continuent bien évidemment à passionner les hackers, l’enjeu, aujourd’hui, est aussi de hacker l’espace physique. L’objectif ? S’amuser, repousser les limites, apprendre à être indépendant de ceux qui fabriquent les objets à notre place, et déployer dans le monde physique les valeurs humanistes de partage et de biens communs qui ont fait la force du logiciel libre et de l’éthique des hackers.

Photos : Ophelia Noor CC by sa nc


#cccamp11 Day 2

James Carlson, « les hacker et les makerspaces sont les écoles du futur »

James Carlson a fondé School Factory, une association américaine non-lucrative qui “construit des communautés qui créent de la valeur et des espaces qui transforment l’éducation.” Hackerspaces, makerspaces, espaces de co-working, avec School Factory, l’esprit hacker souffle dans l’école.

Lancé en mai dernier par quatre jeunes gens sur le site du quotidien belge Le Soir, le bloggeek politics explore la dimension politique de l’Internet, toutes ces initiatives citoyennes qui montent en puissance. Ce projet, soutenu par le Fonds pour le Journalisme, une initiative de l’AJP, et financé par la Communauté française, aboutira à un webdocumentaire en 2012. Interview d’un de ses quatre animateurs, Quentin Noirfalisse.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


#cccamp11 Day 1

Retrouvez notre dossier sur le Chaos Communication Camp 2011 :


Crédits Photo FlickR CC : by-nc-sa Ophelia Noor

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http://owni.fr/2011/08/10/en-direct-depuis-le-chaos-communication-camp/feed/ 14
Telecomix : « hacker pour la liberté » http://owni.fr/2011/07/25/telecomix-%c2%ab-hacker-pour-la-liberte-%c2%bb/ http://owni.fr/2011/07/25/telecomix-%c2%ab-hacker-pour-la-liberte-%c2%bb/#comments Mon, 25 Jul 2011 06:09:34 +0000 Quentin Noirfalisse http://owni.fr/?p=74497 28 janvier 2011. L’État égyptien coupe Internet. L’interruption est d’une ampleur jamais vue. Dans les coulisses du réseau, une poignée de citoyens, du monde entier, tentent de bricoler des alternatives pour permettre aux Égyptiens de communiquer. Aux premières lignes se trouve une entité aux contours fluides et mouvants, Telecomix.

Ils ont appelé ça le “Vendredi de l’Obstination”. Ce 8 juillet, des milliers de manifestants se sont amassés sur la Place Tahrir et ont hurlé, près de cinq mois après la chute de Hosni Moubarak, un mécontentement abondamment nourri par l’incapacité de l’armée à réaliser les réformes promises. Dès le jeudi soir, des centaines de jeunes chantaient :

Anas al-Fiqqi a été déclaré innocent. Avez-vous déjà vu pareille audace ?

Al-Fiqqi, ancien ministre de l’information, a été acquitté, le 5 juillet, après avoir été accusé de détournement d’argent public pour financer les campagnes électorales du Parti national démocratique, la formation de Moubarak dissoute au mois d’avril. Dans la même affaire, deux autres ex-ministres ont également bénéficié d’un acquittement.

Au-delà de la simple dénonciation de ces jugements, la manifestation avait pour objet principal de réclamer une poursuite judiciaire publique à l’encontre de Hosni Moubarak et d’offrir justice aux familles des “martyrs de la révolution”. Fin mai, le raïs déchu, toujours hospitalisé à Charm-el Cheikh, écopait d’une première condamnation : une amende pharaonique de 23 millions d’euros [en] pour compenser les revenus perdus suite à sa décision de couper l’accès à Internet et à la téléphonie mobile en Égypte.

Le 28 janvier 2011, les principaux fournisseurs d’accès s’aplatissaient devant les injonctions du gouvernement égyptien et suspendaient leurs services, causant une chute de plus de 90% du trafic dans le pays. “Je n’ai jamais vu une coupure à cette échelle. Fondamentalement, c’est comme si vous redessiniez la carte et ils (les Égyptiens) ne constituent désormais plus un pays”, dira dans la foulée Jim Cowie, responsable technologique chez Renesys [en], une compagnie américaine qui ausculte le trafic internet.

Durant cinq jours, les 20 millions d’utilisateurs du Net (sur 80 millions d’habitants) et les 55 millions de détenteurs de portables ont été privés de communication [en]. Ou presque. Il n’aura, en effet, fallu que quelques heures pour qu’une mobilisation d’un type nouveau s’active, dans les coulisses du réseau, pour tenter de littéralement “hacker” (c’est-à-dire détourner) cette coupure unilatérale et de bricoler des solutions pour permettre aux Égyptiens d’à nouveau communiquer.

Pas de plan d’action fixe

Aux premières lignes de ce mouvement se trouvaient les agents de Telecomix. Tele quoi ? Pour tenter de définir cette entité a priori étrange, il faut d’abord commencer par dire ce qu’elle n’est pas. Telecomix n’est pas une organisation. Telecomix n’a pas de leaders, ni de voix commune. Telecomix n’a pas de plan d’action fixe.

Telecomix est une désorganisation sans système d’adhésion formelle ni de bureaucratie dans laquelle un groupe éparpillé de volontaires délivrent un soutien technique et communicationnel, explique Peter Fein [en], du fin fond des montagnes de l’État américain de Washington.

Depuis 9 mois, Fein, programmeur, vététiste et amateur de yoga, travaille bénévolement et à plein temps comme agent de Telecomix. Quitte à grignoter férocement sur ses économies. Il insiste : il n’est en rien un porte-parole et ne parle qu’en son nom. En conférence, il montre souvent une vidéo de la révolte tunisienne [en].

Sur cette vidéo, on voit un lance-flammes, utilisé pour disperser les protestataires. Ce que je trouve incroyable, ce n’est pas tant les violations des conventions de Genève que les téléphones qui filment. Les gens essayent désespérément de montrer au monde ce qu’il se passe. Voilà pourquoi l’information doit être libre, accessible directement à partir de cette vidéo de portable, graineuse et glorieuse. Si l’on ne peut pas voir, on ne peut pas agir.

Depuis quelques mois, Fein et les autres agents de Telecomix offrent un soutien technique aux citoyens impliqués dans les révoltes moyen-orientales. Et ce dès l’aube des grondements tunisiens, au moment où ils exfiltrèrent des vidéos de Tunisie quand Ben Ali tentait de bloquer leur publication sur Facebook. Les actions en Égypte demeurent sans doute leur fait d’arme le plus connu.

Il y a eu deux facettes à cette opération. La première concernait le moment où seulement certains sites étaient bloqués, comme Twitter ou Facebook. À ce moment-là, nous avons mis en place des miroirs et des proxys pour publier certaines vidéos qui n’étaient plus accessibles, on a également utilisé Tor et des VPN, on a eu des Égyptiens sur notre chat IRC et on leur a proposé de tweeter pour eux. Le 28 janvier, à la coupure d’Internet, tout est devenu plus “challenging”. On a essayé une quantité de choses. Nous avons tenté de communiquer par les ondes radio, mais sans beaucoup de résultats. Ce qui a le mieux marché, c’est la mise en place, avec l’aide de fournisseurs d’accès, de centaines de lignes d’appel pour modems classiques, étant donné que les lignes téléphoniques fixes n’avaient pas été coupées. Aujourd’hui, ces numéros sont notamment utilisés en Syrie. On a utilisé des numéros de fax pour envoyer, par exemple, des traitements pour soigner les effets des gaz lacrymogènes.

Les Égyptiens, rencontrés sur le réseau (et deux en vrai, pour Pete Fein, au Sheffield DocFest), ont été “superexcités” par le coup de main. Mais les agents Telecomix ne veulent pas trop en savoir sur ceux qu’ils aident. Telecomix fonctionne sans règles ni sentences, mais la sécurité des personnes aidées est mise en avant.

On réfléchit parfois, néanmoins, à ces principes non-écrits, à la bonne manière de faire les choses. Une autre chose qui m’importe, c’est que les solutions que nous proposons rencontrent les besoins des personnes pour qui nous travaillons.

Do-ocratie en toute responsabilité

Au départ, les agents de Telecomix n’avaient pas prévu un plan concerté, sur le long terme, pour agir en Égypte, ni ailleurs. Lorsqu’on se promène un peu sur leur IRC, ils expliquent vite que Telecomix fonctionne sur le concept de do-ocratie [en] (do-ocracy), une forme de structure souple dans laquelle les individus s’assignent eux-mêmes des tâches et les exécutent, en toute responsabilité. “Il suffit d’avoir des idées, et puis d’autres peuvent rejoindre, aider. Personne n’a une vue d’ensemble de tous les projets”, expliquent Fo0 et Menwe.

Pete Fein ajoute :

Tout est très ad hoc. Durant l’Égypte, il y avait 500 personnes sur l’IRC de Telecomix. Au moment où je vous parle, il doit y en avoir 170. C’est fluide. L’idée d’une do-ocratie, ça vient du Burning Man [en] et ça fonctionne à rebours de la bureaucratie. On ne reçoit pas d’ordre, les décisions se prennent en faisant les choses.

La pâte humaine de Telecomix est, presque naturellement, hybride. On y retrouve des hackers, bien sûr, mais également “des professeurs d’université en sociologie, des étudiants, des politiciens. Vous n’êtes pas obligé d’être programmeur. Bien sûr, il faut savoir se servir d’un ordinateur et après, nous vous enseignerons quelques tactiques de base.”

Comme pour confirmer le mix évoqué par Peter Fein, on croise, au détour d’une salle IRC, ehj, qui travaille auprès du parlement européen. Tomate, un “agent” allemand, résume, en quelques phrases brèves, l’essence de Telecomix.

Telecomix est une idée. L’idée de la communication libre. N’importe quel type de communication.

Et n’importe où. Telecomix ne limite pas son action au Moyen-Orient. Des formations en cryptographie ont déjà été données en Biélorussie et des ateliers délivrés à des ONG, à Genève, lors d’une rencontre organisée par Reporters Sans Frontières, à l’occasion de la journée mondiale contre la cyber-censure.

“Internet était une zone autonome”

Pour Pete Fein, l’internet est,  “d’une manière générale, sous attaque. Ça varie d’un pays à l’autre. En Egypte, ils l’ont coupé. Aux États-Unis, on met l’accent sur la surveillance. En Chine, c’est l’extrême, la sophistication des outils de censure est, waouh, juste stupéfiante. Dans vos pays européens, l’étendue des lois proposées pour surveiller le trafic, contrôler le réseau, est inquiétante. Cela ne fait que quinze ans que les gens ont accès à internet. Ça n’a jamais été le Far West. Le réseau a développé son éthique, ses règles culturelles, qui, bien sûr, varient d’un lieu à l’autre. Mais tout ça n’était pas sujet à un contrôle étatique.

Internet était une zone autonome, où les gens pouvaient se fixer leurs propres normes et maintenant, d’autres veulent revenir en arrière, récupérer le réseau. Au final, nous ne devrions pas être surpris : le même schéma se répète depuis 500 ans. Un jour, le gouvernement anglais a décidé d’octroyer des licences exclusives à certaines guildes, pour qu’elles seules puissent détenir une presse. Il a fallu trente ans entre l’invention de la radio et sa régulation gouvernementale, au grand dépit des radioamateurs. Internet subit la même chose : chaque fois que des personnes ont eu un outil de communication entre les mains, cela leur a donné des idées, le pouvoir s’est senti menacé.

Découlant tout droit des tentatives du gouvernement de prendre les rênes d’internet, les premières rencontres d’agents Telecomix sur IRC se seraient déroulées quand le Paquet Telecom, un ensemble de mesures proposées par la Commission européenne pour réguler les réseaux de communication et de services électroniques, était en voie d’adoption au Parlement européen.

Au début, détaille Ludens, l’accent était mis sur le lobbying, au niveau européen, et la sensibilisation de l’opinion publique. Ensuite, on a été rejoints par de plus en plus de personnes possédant un bagage technique, qui ont donc commencé à ‘hacker’.

Toujours au sens où les hackers l’entendent.

Parallèle avec les Anonymous

A tort, on pourrait être tenté d’assimiler les actions de Telecomix à celles des Anonymous, connus pour leur combat contre la scientologie et le blocage de sites tels que Visa ou Mastercard après que ceux-ci eurent refusé d’admettre des dons pour WikiLeaks, à la fin de l’année 2010.

Il y a des points de comparaison valables, estime Fein. Ils opèrent aussi sur le mode de la do-ocratie et, comme nous, ils soutiennent la liberté d’expression. Je traîne parfois sur leurs channels IRC, je regarde ce qu’il se passe, mais je ne suis pas actif. Il y a parfois de la place pour des collaborations. Au final, Telecomix et Anonymous essayent tous les deux de conserver un internet libre et ouvert, mais nous le faisons différemment. Eux, soulèvent des gros drapeaux rouges et nous, nous le faisons en construisant des outils qui peuvent être utiles.

Pete Fein s’interrompt. Il aimerait bien continuer Telecomix à mi-temps, trouver des fonds pour lancer un autre projet. “Je ne suis qu’un programmeur, je ne sais pas comment faire ça. Au final, c’est assez fantastique que j’aie pu me retrouver dans Telecomix. J’ai des compétences techniques, et être capable de les utiliser pour aider les gens à communiquer, cela ressemble un peu à un don. C’est ça, hacker pour la liberté.”


Illustration : JB_Graphics

Le blog de Pete Fein : http://blog.wearpants.org/tag/telecomix/

Article initialement publié sur Geek Politics sous le titre : “Telecomix, les empêcheurs de censurer en rond”

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Une #nuitsujet hack corps perdu http://owni.fr/2011/06/09/radio-nova-nuit-sujet-hack-corps-perdu/ http://owni.fr/2011/06/09/radio-nova-nuit-sujet-hack-corps-perdu/#comments Thu, 09 Jun 2011 11:17:55 +0000 Mathilde Serrell (Radio Nova) et Ophelia Noor (Owni) http://owni.fr/?p=66715 C’est comme ça qu’on se donne à la #nuitsujet… 6 heures de radio augmentée où la planète NOVA et la soucoupe OWNI.FR s’hybrident.

Pour cette deuxième édition, après « Dégage ! » et ses soulèvements démocratiques 2.0, nous avions choisi « Hack ! ». Un mot d’ordre idéal pour une émission mutante. Au menu, piratages et bidouillages, des bateaux somaliens aux labos post-humains.

Quelques jours après l’expérience, l’« éthylotweet » est retombé à zéro, mais ça frime sévère : #nuitsujet en tête des discussions sur Twitter en France pendant 12 heures ! 9ème « topic » mondial ! Eh ouais mec.

Sur la route du hack

Post-radio oblige, le studio se décloisonne : en interface totale avec le réseau, mais aussi connecté IRL à la verrière de Nova. Pour l’occasion elle s’était transformée à la fois mini forum et en nano hacker space ! On y a vu des bidouilleurs d’imprimante 3D, mais aussi Slim Amamou, blogueur star de la révolution tunisienne. Démissionnaire de son poste de secrétaire d’état à la jeunesse, il a accordé ce soir là un entretien exclusif à OWNI dans lequel il s’explique sur les raisons de son départ et pointe du doigt les services de sécurités tunisiens.

En 6 heures de navigation sur les routes du piratage, nous avons circulé parmi les hommes et les utopies. Les monnaies libres, les prémices d’un monde sans Copyright, les pirates de l’État, les États pirates aussi – spéciale dédicace à la Chine où les comptes Gmail de dissidents viennent d’être piratés!- On a parlé à des fantômes du piratage urbain, et même à des gens qui les avaient rencontrés…

by Fano Loco /-)

Les pirates d’aujourd’hui ouvrent le bal dès 20h00 avec un retour sur l’e-G8 de Sarkozy par Andréa Fradin. Absence de la société civile, internet sécuritaire et civilisé, séance mémorable sur la proprieté intellectuelle avec JP Barlow. L’eG8 sera hacké par une conférence de presse de la société civile dès le deuxième jour. Sous la veranda, on brainstorm avec Paul Moreira, Quentin Noirfalisse et Etienne Rouillon :  Qu’est-ce que le piratage aujourd’hui ?

Nuit Sujet Hack #1 – Les pirates d’aujourd’hui by OWNI


by Fano Loco /-)

On enchaîne avec Piraterie et Politique, et en studio Sylvain Lapoix sur les pirates précurseurs en politique. Et les élections ? Bruno Fuligni, auteur de “Votez fou” nous raconte le piratage des scrutins par de fantasques candidats. On court à nouveau vers les canapés de la verrière pour un brainstorm sur les états pirates et les états piratés, avec Aline Kremer pour la Russie, Olivier Tesquet sur les whistleblowers et Sébastien Thoën d’Action Discrète (Canal +)

Nuit Sujet Hack #2 – Piraterie & Politique by OWNI


Economie et pirateries… il est déjà 22h00. Zoupic prend une grande respiration et se lance sur le thème “monnaies libres, libres des monnaies”. Comment augmenter le partage et la répartition des richesses ? Après un retour sur l’histoire des monnaies, on passe en revue les alternatives :  le bekshare à San Fransisco, la luciole, le Sol violette, le WIR, etc. Et sur le net, les bitcoins, ripple et autres superfluid. Avant le brainstorm, Jean-Marc Manach nous régale d’une chronique sur les hackers et la DST.

Et le brainstorm ? Capitalisme et piraterie, rien que ça ! C’est Jean-Philippe Vergne qui s’y colle, co-auteur de l’organisation pirate, avec Antoine Champagne, créateur du site Kitetoa.com et Lionel Maurel alias Calimaq, juriste spécialisé dans les questions de propriété intellectuelle.

monnaies alternatives par Philippe Couve /-)

Nuit Sujet hack #3 – Hacker le capitalisme by OWNI

by t0ad /-)

Pirateries et droit d’auteur à 23h00… Des brevets scientifiques au biohacking, Florient Latrive, journaliste à Libération, ouvre le bal par téléphone, sur le thème des brevets pharmaceutiques : quelles conséquences dans les pays du Nord et ceux du Sud ? Que se passera-t-il demain avec les brevets sur les gènes ? Quelles sont les alternatives possibles ? Limitation des brevets, open drugs, financements publics…

Les pieds dans le gazon, assis confortablement sur les sofas, on brainstorm sur la culture de la piraterie, du copiage et du remix : Vincent Castaignet du groupe musique Cap Digital, Francis Gosselin, chercheur en économie et Calimaq.

Nuit Sujet Hack #4 – Piraterie et droit d’auteur by OWNI


by t0ad /-)

Minuit sonne sous la verrière de Radio Nova… Let’s go Hack IRL ! In-Real-Life ! Le Hacking citoyen, Geoffrey Dorne en a fait son projet de fin d’études à l’ENSAD. Chercheur en design et collaborateur, entre autre, d’Owni.fr avec sa chronique Vendredi c’est graphism, il explique comment le citoyen peut aller “à l’encontre de la surveillance accrue et pouvoir ainsi, recouvrer certaines libertés et certains droits menacés par l’État.” Le contenu de la box ? Découvrez-le sur Graphism.fr !

Et hop on file sur les canapés pour un brainstorm sur les piratages urbains avec Samira Ouardi et Stéphanie Lemoine, Ophelia Noor sur la galerie souterraine de New-York, Underbelly Project et Lazar Kunstmann porte parole de l’UX, Urban Experiment.

Nuit Sujet Hack #5 – Le Hacking IRL by OWNI


Stéphanie Lemoine, Samira Ouardi et Julien Goetz, sous la verrière, session brainstorm piratages urbains

Les hacks de demain, comme celui du cerveau…. Rémi Sussan, journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies et Guillaume Dumas, chercheur en interaction sociale sur l’hyperscanning, une technique d’imagerie cérébrale permettant d’enregistrer deux cerveaux simultanément, sont dans le studio. Décollez vos neurones avec le mp3 de la séance car on enchaîne avec une séance DIY (do it yourself) de sextoys, fabriqués par Laura, en 5ème année aux beaux-arts et interviewée par Sabine Blanc, pendant le festival du HackerSpace de Toulouse.  Bientôt deux heures du matin, il est temps de hacker l’humain, pour un brainstorm enlevé avec Pierre Cattan de Cinquième étage productions et Aurélien Fache, développeur Ownien !

Nuit Sujet Hack #6 – les hacks de demain by OWNI

clôture de la nuit sujet sur un rap de Giulo

Terminons sur ces mots de Julien Goetz :

Hacker, c’est sans doute aussi une volonté de se réapproprier ce que l’on estime libre, ouvert, accessible à tous, “piller le pilleur” comme l’affirmaient certains capitaines de vaisseaux. Une façon de bidouiller le système pour rééquilibrer les forces, de promouvoir le partage, d’ouvrir des champs de recherches insoupçonnés, de créer des usages insoupçonnables, de hisser l’échange en étendard et de stimuler la créativité à tout prix sauf celui de vente. Tout se pirate et nous sommes tous pirates.

Stay tuned /-)


Retrouvez la Une de la première nuit-sujet “Dégage!”

L’application de la nuit sujet #2 Hack

Design de l’application by Loguy et développée par Pierre Romera
Dessins de t0ad et Fano Loco
Photos d’Ophelia Noor, Pierre Alonso et Philippe Couve

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