OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Opération Kazakhstan, nouvel eldorado de la France http://owni.fr/2011/02/13/operation-kazakhstan-nouvel-eldorado-de-la-france/ http://owni.fr/2011/02/13/operation-kazakhstan-nouvel-eldorado-de-la-france/#comments Sun, 13 Feb 2011 17:00:14 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=46037 Par chance pour les affaires, des dictatures montrent encore une stabilité à toute épreuve. Pas comme en Afrique du Nord. Dorénavant, le tout-Paris de la politique et de l’industrie se retourne vers les autocrates d’Asie centrale. En particulier le Kazakhstan – la plus riche et grande des dictatures d’Asie centrale – dont le sous-sol regorge d’uranium et de pétrole. Depuis plusieurs mois, des élus Français et des patrons des transports ou de l’armement travaillent de concert pour équiper ce Kazakhstan-là.

Et selon des priorités fixées par l’Élysée.

Via Wikimedia Commons

Un courrier du 3 juillet 2009, rédigé par Nicolas Sarkozy et adressé à son homologue Noursoultan Nazarbaïev [PDF], dresse sans complexe la liste des objectifs de vente. Dans cette lettre, dont nous avons obtenu une copie, le président français en appelle à :

  • « la construction d’un tramway à Astana par Alstom »
  • au « choix du moteur CFM-56 de Safran pour les Airbus d’Air Astana »
  • à la construction de la « station de traitement des eaux usées d’Astana proposée par Suez-Degremont »
  • ou encore au « partenariat industriel entre Areva et le Kazakhstan »


Ce shopping organisé par la présidence de la République conclut de longues tractations de boutiquiers. Selon des courriels d’industriels, elles auraient été préparées, pour une part, par un homme d’affaires tunisien, Lyès Ben Chedli. Contacté, celui-ci ne dément pas et, pour tout commentaire, se prévaut de fréquenter assidûment le président Nazarbaïev et de connaître Claude Guéant, le Secrétaire général de l’Élysée.

À ce jour, plusieurs des requêtes commerciales ont déjà été satisfaites, d’autres sont en instance de l’être, surtout après l’officialisation, le 25 août dernier, du Traité de partenariat stratégique entre les deux pays. En février, la mairie d’Astana devrait confier à Alstom le chantier du tramway de la capitale. Le nouveau secrétaire d’État aux Transports Thierry Mariani y croit – il se rendra d’ailleurs au Kazakhstan en février.

Le ministre Thierry Mariani, lobbyiste en chef à Astana

Thierry Mariani (à droite)

Nous l’avons rencontré dans son bureau ministériel, aménagé il y a deux mois boulevard Saint-Germain à Paris, à l’intérieur de la bibliothèque d’un botaniste aux rayons chargée d’animaux empaillés. L’homme y célèbre l’intérêt stratégique du Kazakhstan, en connaisseur. C’est Mariani qui a fiancé l’UMP au parti Nour-Otan, de l’autocrate Nazarbaïev ; les deux mouvements ayant signé « une convention d’échanges d’expériences ». Tandis qu’à l’Assemblée Nationale, il a présidé le Groupe d’amitié France-Kazakhstan depuis 2006 et jusqu’à sa nomination au gouvernement, en novembre dernier.

En tant que député, Mariani s’est rendu à plusieurs reprises sur place, mais il admet y être allé « deux fois avec Astrium [groupe EADS] », afin de défendre l’offre de l’industriel dans le domaine spatial. Il se souvient d’un déjeuner avec son patron, François Auque. Lequel a compris l’intérêt de ce vaste pays à la jonction de la Chine, de la Russie, bordant la mer Caspienne, et qui se pique de peser sur le destin géopolitique de la région. Avec la bénédiction de l’Élysée.

Le président Nazarbaïev, en visite officielle à Paris le 27 octobre dernier, a paraphé un contrat confiant à Astrium la construction d’un Centre d’assemblage d’intégration et de tests, dédié aux développements des premiers engins spatiaux kazakhstanais. Le lendemain, le Journal Officiel publiait le traité d’État encadrant cette nouvelle coopération spatiale.

Et à la tombée de la nuit, Nazarbaïev trinquait avec Claude Guéant et les patrons de Total, Suez ou Alstom, dans les salons de l’hôtel d’Évreux, place Vendôme à Paris (Libération du 29 octobre) – le champagne et les petits-fours étant payés par EADS et Eurocopter. Un peu plus tôt, Astrium avait vendu deux engins d’observation de la Terre à Astana, dénommés DZZ-1 et DZZ-2, et susceptibles – au moins pour le premier – d’inclure des applications à visées militaires. Mais « l’usage qu’en fait le client n’est pas de notre ressort » fait remarquer Patrice de Lanversin, directeur de la communication d’Astrium.

Les officines de lobbying à la manœuvre

Ce succès pour la filiale d’EADS ne s’explique pas seulement par le choix d’acquérir du matériel français, car le groupe Thales proposait une solution concurrente. Il prend son origine dans le discret réseau de consultants et d’intermédiaires chargés de mener les actions de lobbying auprès des décideurs d’Astana. Pour Astrium, ce réseau s’articule autour d’une petite société de conseil parisienne, MHB SAS, dirigée par Marie-Hélène Bérard, ex-conseillère de Jacques Chirac à Matignon et ancienne directrice du CCF chargée des investissements dans les pays de l’Est. Elle nous confirme son rôle dans ce dossier :

L’accompagnement que j’ai assuré pour Astrium n’était pas une première pour moi. J’ai effectué ma première mission au Kazakhstan en 1990. Dans le cas des satellites d’Astrium, les premiers contacts datent de 2006 . C’est donc un dossier qui a duré quatre ans. Les autorités kazakhes ont beaucoup consulté et étudié plusieurs propositions (…) avant de se prononcer.

Élevée au rang de commandeur de l’ordre de la Légion d’honneur le 30 janvier 2008, Marie-Hélène Bérard a réussi a fédéré de grands noms autour de son cabinet. Selon le site web de MHB SAS, la société comprend un comité stratégique où siège Dominique Strauss-Khan, directeur du FMI ; même si, selon Marie-Hélène Bérard, cette présence n’est assortie d’aucune contrepartie financière.

Quelques jours après avoir évoqué ce point, elle nous a même rappelés pour indiquer qu’en réalité « le nom de Strauss-Khan aurait dû être retiré du site après sa nomination au FMI », le 1er novembre 2007, car il ne souhaitait plus participer à son comité stratégique. Ladite page web cependant semble bien avoir été générée postérieurement à cette date, en 2008.

Astana, une capitale en plein développement

Thales joue les anciens réseaux du PCF

Au Kazakhstan, le principal adversaire d’EADS, Thales, mobilise lui aussi des réseaux d’influence. Grâce à eux, le groupe de défense devrait signer d’ici au printemps un contrat pour les communications sécurisées des autorités locales. Qui n’a rien du lot de consolation pour l’entreprise, écartée du marché des satellites.

Les réseaux de Thales sont eux animés par la société Cifal (Comptoir industriel et commercial France-Allemagne), spécialiste de l’intermédiation dans les pays de l’Est, basée à Paris, jadis très liée au PCF, et maintenant dirigée par Gilles Rémy – avec lequel nous nous sommes entretenus. Cet homme d’affaires rencontrait Vladimir Poutine dès le début des années 90, bien avant son accession au pouvoir.

Il explique aujourd’hui que les actions de sa société au Kazakhstan dépendent notamment d’une société installée à Dubaï, Asia Gulf Services, que Cifal détient à hauteur de 8%. Une PME de l’intermédiation implantée aux Émirats Arabes Unis et dirigée par Matthieu Mitterrand, fils de l’actuel ministre de la Culture Frédéric Mitterrand. Lors d’une conversation téléphonique, alors qu’il était en déplacement, Matthieu Mitterrand nous a confirmé qu’il épaule Thales au Kazakhstan.

Les “80 voyages” du sénateur de Monstesquiou

Les interventions de telles structures sont relayées auprès des ministres kazakhs par d’autres hommes politiques français, sorte de VRP en titre, chargés d’assurer sur place le suivi des dossiers commerciaux, parfois en concertation avec Cifal. C’est le cas du sénateur (RDSE) Aymeri de Montesquiou, qui s’entretient « régulièrement avec le Premier ministre ou le ministre de la Défense pour connaître l’état d’avancement des dossiers ». Par un courrier du 12 novembre 2009 l’Élysée l’a prié de conduire une mission pour « promouvoir nos intérêts industriels et commerciaux » en Asie centrale.

Revendiquant près de « 80 voyages au Kazakhstan » depuis 1993, Aymeri de Montesquiou reconnaît que ses efforts ont beaucoup profité à Thales, sans que des liens d’intéressement n’apparaissent entre lui et l’entreprise, précise-t-il :

J’étais plus favorable à Thales car c’est une offre 100% française.

Et ses missions ne se limitent pas aux marchés de défense. Présent à Astana en ce mois de janvier, le sénateur souffle qu’en ce moment ses efforts portent sur le champ offshore de Kashagan en mer Caspienne, sorte de caverne d’Ali Baba pour l’industrie du pétrole. La société française Entrepose, partenaire habituel du groupe Total, est déjà présente autour du gisement.

La pleine exploitation de ce dernier, vers 2015, devrait permettre au Kazakhstan de se hisser dans le top 10 des pays exportateurs de pétrole ; selon le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie.  Pour tout le monde : de quoi se contenter de fixer les courbes des tableurs Excel, en oubliant le reste. Servum pecus.

Crédits photos CC FlickR par Gobierno de Aragón, Nicola Corboy

Retrouvez les télégrammes diplomatiques révélés par WikiLeaks concernant le Kazakhstan

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Lutter contre la Cyber-Censure http://owni.fr/2010/03/12/lutter-contre-la-cyber-censure/ http://owni.fr/2010/03/12/lutter-contre-la-cyber-censure/#comments Fri, 12 Mar 2010 15:18:56 +0000 Stéphane Favereaux http://owni.fr/?p=9961

Ce vendredi 12 mars met en avant lors de la journée mondiale de lutte contre la cyber-censure, la bataille pour la liberté d’information. Depuis que le Net s’ouvre au monde, les pays les moins démocratiques ou ceux se prétendant démocratiques tendent à renforcer le contrôle sur l’information. Face à ces états censeurs, dictatoriaux ou fut un temps réellement démocratiques, il appert que la capacité de mobilisation des net-citoyens, des anarnautes, des tenants de la Netopie, s’accroît en faisant tomber les frontières des états.

Chaque citoyen soumis à la censure ou que les états veulent faire taire devient un relais d’informations permettant au monde entier d’être mis face aux dérives des régimes autoritaires, il n’est qu’à penser à la Révolution Twitter en Iran… Malheureusement, quelques rares pays, la Corée du Nord, la Birmanie, le Turkménistan voire Cuba coupent totalement l’accès au Web prétextant un manque de moyens techniques et un moindre développement des infrastructures. De fait, nous assistons à une explosion du marché noir des télécommunications, notamment à Cuba, en Chine ou en Corée du Nord…

censure

Le marché de la construction des prisons devrait aussi s’accroître puisque près de 120 blogueurs, internautes, cyberdissidents sont enchristés pour avoir eu la désobligeance de s’exprimer librement.

- Au Maroc, pays ami de la France, le délicieux Mohammed 6, pire encore que son père, mais n’ayant pas encore systématisé la surveillance du Web, maintient en détention un blogueur et un propriétaire de cybercafé pour avoir permis la publication ou publié des propos anti-Mohammed 6, notamment sur la répression d’une manif ayant mal tourné.

- Adnan Hadjizade et Emin Milli, blogueurs Azerbaïdjanais sont sous les verrous pour avoir tourné en dérision les autorités locales et les avoir ridiculisé dans une vidéo sur You Tube.

- Au Yémen, quatre journalistes sont actuellement derrière les barreaux pour des raisons similaires…

Et la liste pourrait être longue encore des exactions commises sous couvert politique. RSF publie donc ce rapport à l’occasion de cette journée de lutte et rallonge également la liste des pays ayant mis le Web sous surveillance : la Turquie et la Russie en font dorénavant partie.

iran-tweets2

Si seuls les régimes autoritaires étaient initiateurs de cette surveillance du Web, les pays libres les rejoignent et les moyens de surveillance évoluent. Censure et intimidations, pressions étatiques et légales se démultiplient… 60 pays censurent « officiellement » le web en 2009, soit deux fois plus en qu’en 2008…

Filtrage, fichage, fermeture de blogs, de sites de dissidents, d’opposants aux régimes de ces 60 pays… les moyens techniques se mettent au service de la volonté de faire en sorte que le Web la ferme purement et simplement. Arrestation torture, intimidation des journalistes, des dissidents, des blogueurs, des entourages (notamment au Maroc), des familles…

RSF précise que « Les plus grandes prison du monde pour les net-citoyens sont la Chine, largement en tête avec 72 détenus, suivie du Viêt-nam et de l’Iran, qui ont lancé ces derniers mois des vagues brutales d’arrestation. »

Quand la démocratie censure…

Si l’on évoquait jusqu’alors les dictatures, monarchies absolues et autres régimes staliniens, ceux-ci ne sont pas les seuls à vouloir surveiller le Net. La Corée du Sud tente de mettre un terme à l’anonymat sur la toile, l’Australie est en train de se doter d’un système de filtrage total du Web.

Au niveau supranational, les discussions actuelles menées sous secret défense par 39 états ne vont guère aller dans le sens des anarnautes, des opposants. ACTA destinés à lutter contre la contrefaçon se négocie sans la moindre concertation avec les ONG, sans aucun rapprochement avec les acteurs du Web. La Communauté européenne à beau s’opposer à cette confidentialité par un vote très largement majoritaire, les passions ne s’apaisent pas face à un accord qui pourrait instaurer la surveillance du Web dans 39 pays dont on prétend qu’ils sont démocratiques. Ces mesures liberticides potentielles passeraient par un filtrage du Net sans qu’aucune décision de justice n’ait à être prise.

rsf

Les législations répressives sont de plus en plus systématiques : Jordanie, Irak, Kazakhstan, Australie, Grande-Bretagne, France… cette liste est longue et peut inquiéter… Voir accoler dans une même liste des états totalitaires et des démocraties ne laisse guère planer de doutes quant aux volontés de contrôle que tout état veut sur cet espace de liberté qu’est le Web.

Face à ces volontés sécuritaires, le rapport de RSF précise cependant que « En Finlande, le décret n°732/2009 fait de l’accès à Internet un droit fondamental pour tous les citoyens. En vertu de ce texte, chaque foyer devra bénéficier d’une connexion d’au moins 1 mégabit par seconde au 31 juillet 2010. D’ici 2015, elle devra être d’au moins 100 mégabit par seconde. De son côté, le Parlement islandais examine à l’heure actuelle une proposition de loi ambitieuse, “Icelandic Modern Media Initiative” (IMMI), destinée à protéger les libertés sur Internet, en garantissant la transparence et l’indépendance de l’information. Si elle est adoptée, l’Islande deviendrait un paradis cybernétique pour les blogueurs et les citoyens journalistes »

Les blogueurs s’associent…

Partout sur la planète Web, les associations de blogueurs se développent en cyber-mouvements de lutte, d’échanges de fichiers, de techniques permettant aux iraniens d’utiliser des proxies destinés aux dissidents chinois, etc. Idem dans les 60 pays de la liste RSF… la résistance sur le Web s’organise. Et la résistance, ça marche ! En Russie, le média le plus libre est le Net, en Italie, on n’en est pas loin malgré les tentatives de Berlusconi de faire taire les blogueurs opposants, en France non plus, nous n’en sommes pas très loin ! RSF précise aussi que « L’Arabic Network for Human Rights Information estime à 10 000 le nombre de blogs actifs, en arabe et en anglais, dans le pays. ». Les trônes dictatoriaux se fragiliseront… gageons le.

Cette journée de lutte contre la cyber-censure ne doit en aucun cas être une mobilisation d’une journée, elle doit être un combat de chaque jour où les démocrates, à défaut des démocraties, doivent soutenir les dissidents, les opposants enchristés pour avoir voulu défendre leurs libertés fondamentales, leur liberté d’expression.


Photo par Cayusa (CC-by-nc)

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