La crise belge par les data

Le 9 septembre 2010

Population, économie, santé, comparez le poids représenté par chaque composante de la Belgique. Vous avez aussi la possibilité de faire le calcul en intégrant Bruxelles dans une des deux régions voire en lui donnant son indépendance.

« Préparons-nous à la fin de la Belgique ! » C’est en substance ce qu’on déclaré les leaders francophones ces derniers jours, un refrain que les Flamands entonnent depuis déjà quelques décennies. Faut-il couper la Belgique parce que ces entités constituent des nations différentes, ou bien faut-il se préparer à construire de toutes pièces de nouvelles identités pour remplacer la belge ?

Laissons parler les données. Nous avons mis en place une application permettant de comparer les chiffres relatifs aux trois régions belges (Flandre, Wallonie et Bruxelles-capitale) sur certains thèmes.

Sur certains aspects, on constate de fortes disparités. L’impôt fédéral payé par habitant, par exemple, est 25% supérieur en Flandres par rapport à la Wallonie. Résultat, la solidarité nationale peut apparaître à sens unique, les Flamands payant 1,2 milliards d’euros transférés sous forme de ‘rééquilibrage’ aux francophones.

Et pourquoi les Wallons payent-ils moins d’impôts ? Parce qu’ils travaillent moins! Le taux d’activité (ceux au travail + ceux cherchant un emploi) est de près de 10 points supérieur en Flandre. On comprend mieux ainsi ce sur quoi repose le ressentiment des Flamands.

Pas la peine de stigmatiser les Flamands en les traitant de « populistes égoïstes » pour autant, comme on peut le lire dans les colonnes du Monde. Leurs revendications font échos à des problèmes réels, pour lesquels ils considèrent que les solutions proposées ne suffisent pas. On ne peut pas en dire autant de la frénésie anti-gitans qui sévit en France, où des politiques, soutenus par une bonne partie de la population, s’en prennent à un groupe pour des motifs totalement farfelus et dénués de réalité statistique (« ils ont des trop grosses voitures ! »)

Les Belges ne se marient pas non plus entre eux. Moins de 0,5% des mariages belges concernent des relations entre résidents flamands et wallons. (Cette statistique a été compilée en fonction des lieux de résidence, pas de naissance, si bien qu’un Flamand vivant en Wallonie puis s’y mariant à une Wallonne n’est pas comptabilisé). Cela reste environ 6 fois moins que le nombre de mariages conclus entre un Belge et un étranger ! Pour donner un élément de comparaison, cela correspond plutôt au taux de mariages entre Français et Britanniques (source INSEE).

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Malgré ces écarts flagrants, les Belges restent soudés autour de valeurs… belges. Loin d’être anodins, les habitudes de consommation sont étrangement similaires. Si vous regardez l’onglet “consommation” de l’appli, vous verrez que les différences entre Flandre et Wallonie ne divergent jamais de plus de 10%.

Si l’on s’intéresse à la charcuterie, par exemple, on constate que l’on dépense sans compter des deux côtés de la frontière linguistique : 475€ en Flandre et 468€ en Wallonie par an et par ménage. Bruxelles, avec tous ses étrangers eurocrates qui ne comprennent rien au filet américain, au filet d’Anvers ou aux pâtés queue de charrue, ne dépense qu’un maigre 300€, tout comme les Français (357€ selon l’INSEE [XLS]).

Et Bruxelles ?

En plus d’être la plus importante des capitales de l’Union Européenne, Bruxelles est à la fois la capitale de la région flamande et la principale ville francophone. Véritable nœud gordien des relations entre communautés linguistiques, la ville semble être au cœur des revendications des uns et des supplications des autres.

L’application permet de choisir où vous souhaitez voir Bruxelles : indépendante, wallonne ou flamande. On constate qu’en dehors du tourisme, où Bruxelles et la Flandre concentrent la majeure partie des nuitées, et du nombre d’étrangers, faire varier l’appartenance de la ville vers l’une ou l’autre région n’influence que peu les équilibres.

On pourrait penser que cet état de fait tient à la relative pauvreté de la ville. Son centre, loin d’exulter de richesses comme à Trafalgar Square ou à la Concorde, fait plutôt penser à une ville post-socialiste ayant raté sa reconversion. Comparée à Anvers, principale ville de Flandre, Bruxelles n’attire pas l’oeil. Plus pauvre relativement au nombre d’habitants, c’est à se demander pourquoi son statut importe tant aux deux camps.

La raison tient au découpage anachronique des frontières administratives. Tout comme il est inconcevable de limiter Paris à ce qu’on trouve à l’intérieur du périphérique, la région Bruxelles-Capitale souffre d’atrophie sur ses 160 km² (à peine 50% de plus que Paris intra-muros). Prise dans son ensemble, la métropole bruxelloise retrouve l’étoffe d’une ville d’importance mondiale, produisant le quart de la richesse belge.

Le problème de la ville tient à son corset flamand : l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), situé en Flandre, accueille l’expansion territoriale de la capitale et concentre en particulier ses plus gros contribuables qui, à la manière d’une ville américaine, délaissent le centre. Bruxelles se trouve ainsi à cheval entre la Flandre et la région Bruxelles-Capitale, ce qui ne facilite pas la division du pays et explique pourquoi la scission de BHV monopolise depuis plus de 3 ans la vie politique du pays.

Notre dossier, qui accompagne cette application, est constitué de trois articles de blogueurs belges qui nous plongent dans l’actualité de leur pays. Qui n’en est plus un ?

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