L’ennemi des Mayas les expose à Paris

Le 1 juillet 2011

La société Perenco soutient l'exposition « Maya » au musée des Arts Premiers. Mais c'est aussi un groupe pétrolier qui pollue allègrement le berceau de cette civilisation.

Dans la pénombre du Quai Branly, une figurine maya couleur émeraude assise en tailleur. Elle regarde d’un Å“il soucieux les visiteurs derrière les quatre centimètres de verre qui la protègent. On peut la comprendre : Å“uvre d’une civilisation victime de la déforestation et des conquistadors européens, elle a été amenée du Guatemala en France avec le mécénat de la société Perenco. Une compagnie pétrolière qui dévaste les forêts et cours d’eau de sa région d’origine.

Vue de la région maya du Péten, au Guatemala.

Spécialisée dans la reprise de puits de pétrole (ou work-over), la société franco-britannique est installée depuis 2001 dans le Nord du pays où elle a racheté une concession initialement détenue par la société Basic ressources. Laquelle y a débuté ses opérations main dans la main avec Elf Aquitaine. C’est d’ailleurs une figure historique des affaires Elf, Hubert Perrodo, qui a fondé le groupe Perenco.

Rivière polluée au pétrole dans la biosphère maya

Situées dans le département du Péten, au Guatemala, les concessions pétrolières de Xan couvrent 307 km². Elles sont reliées par un oléoduc de 475 km à un second site d’extraction, puis à une raffinerie et au débouché maritime de Pledras Negras, sur l’Atlantique. C’est précisément dans cette zone que, depuis les années 1990, un programme de protection et de mise en valeur touristique des sites historiques a déterminé une « Réserve de biosphère Maya », zone forestière dense où se trouvent de nombreux trésors archéologiques, au sein du Parc national Laguna del Tigre.

Perenco Guatemala Limited – la filiale locale – produit sur ce site plus de 90% du pétrole national, soit environ 15000 barils par jour. En contradiction totale avec les mesures de sauvegarde. Selon l’organisation Parkswatch (voir le document ci-dessous), les activités d’extraction pétrolière causeraient une pollution de l’air et de l’eau à l’oxyde d’azote et à l’oxyde de soufre, une déforestation massive pour l’installation des plates-formes, routes et oléoducs, des fuites de pétrole dans les eaux de surface…

Malgré ces constats, les autorités gouvernementales ont reconduit la société dans ses droits suite à la promulgation en 2008 d’une loi intitulée FONPETROL. Elle spécifie que le ministère des mines peut reconduire les contrats d’opération « si les termes économiques sont favorables à l’Etat. »

La maison-mère française détenue par une filiale des Bahamas

Or, par un jeu d’exemption, l’Etat guatémaltèque verserait une compensation à Perenco pour diminuer les droits de concession dont elle est théoriquement redevable. Selon l’ONG Ceiba (partenaire des Amis de la Terre au Guatemala) et le Centre d’action légale environnementale et sociale, Perenco se serait vu rembourser 29,9 millions de dollars en 2010, représentant la somme des salaires, frais médicaux, frais de prospection et autres factures présentées à l’Etat guatémaltèque, lequel n’a reçu qu’un peu plus de 10 millions de royalties pour l’année 2009. Au total, l’Etat guatémaltèque aurait versé 498,5 millions de dollars de ces « coûts récupérables » à Perenco entre 1985 et 2009.

En France, Perenco ne déclare cependant que 1 112 838,32 euros de bénéfices fin 2009. Pourtant, en consultant le dernier rapport de gestion disponible, il apparaît que Perenco est détenu « à quasi 100% » par Perenco SAS, « société de droit bahaméenne ». A l’instar de Basic ressources, dont elle a repris les puits au Guatemala, la société pétrolière s’appuie sur une base arrière aux Bahamas, bénéficiant comme d’autres entreprises du CAC40 d’une fiscalité très avantageuses pour les sommes rapatriées aux Antilles. Selon le magazine Challenges, le fils d’Hubert Perrodo et héritier de la charge de PDG du groupe François tiendrait la 173è place des Français les plus riches avec une fortune personnelle de 200 millions d’euros.

En sponsorisant l’exposition Maya du Quai Branly, Perenco n’aura pas forcément perdu au change : au titre du mécénat, les dons à cette institution sont défiscalisés à 60%. Pas de petits profits.

Pour plus de détails sur les activités de Perenco au Guatemala, nous vous invitons a consulter le dossier réalisé par le Collectif Guatemala.

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