Mélenchon s’intéresse trop à la dette

Les beaux jours sourient à quelques candidats à l'élection présidentielle dont la crédibilité est mesurée par Le Véritomètre d'OWNI-i>TÉLÉ. Marine Le Pen, toujours dernière, se rapproche dangereusement de Nicolas Sarkozy tandis que François Bayrou double son adversaire socialiste.

La tendance est à l’amélioration générale dans le classement du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude de toutes les déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à l’élection présidentielle. Marine Le Pen, toujours en queue de peloton, grappille 0,5 points d’indice de crédibilité par rapport à la fin de semaine, tandis que François Bayrou gagne 0,8 points suite à sa bonne prestation (75% de crédibilité) au Zénith de Paris, dimanche dernier. En haut de tableau, le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, se maintient à la première place.

Au cours des 24 dernières heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 39 citations chiffrées des candidats à la présidentielle1.

Résumé des faits chiffrés qui ont retenu notre attention aujourd’hui.

Trop d’intérêts pour Jean-Luc Mélenchon

Présent à la Bastille dimanche dernier, Jean-Luc Mélenchon a poursuivi sa campagne dans les territoires d’Outre-Mer ce week-end. Lors de son discours sur l’île de la Réunion, le candidat du Front de gauche a abordé une nouvelle fois le sujet de la dette par ces mots :

[Le service de la dette de la France], ce qu’il faut payer tous les ans, c’est 2,5% de la richesse produite par le pays.

La “richesse produite” par la France, ou plutôt le Produit intérieur brut (PIB) mesuré par l’Insee, s’établissait à 1932,4 milliards en 2010 (dernières données disponibles pour le PIB). Dans le même temps, le Projet de loi de finances pour 2011 [PDF], indique (p.12) que le montant des charges de la dette s’élève à 42,32 milliards d’euros la même année, montant revu à la hausse puis à la baisse par deux des quatre lois de finances rectificatives de l’année 2010, pour finalement atteindre 40,8 milliards d’euros. Soit 2,11% du PIB.

Les propos de Jean-Luc Mélenchon s’avèrent donc incorrects : si le poids des intérêts de la dette s’était élevé à 2,5% du PIB de 2010, ils auraient représenté 48,31 milliards d’euros. Le candidat du Front de gauche gonfle donc de 7,5 milliards d’euros le montant réel des intérêts annuels de la dette française.

Marine Le Pen connaît le trafic de drogue

L’actualité n’y était sans doute pas étrangère, Marine Le Pen n’a jamais lancé autant d’affirmations chiffrées sur l’immigration et la délinquance que la semaine dernière. En témoigne l’interview qu’elle a donnée, le 19 mars dernier, dans l’émission Bourdin 2012 sur RMC et BFMTV, où elle a notamment déclaré :

La criminalité est liée évidemment pour beaucoup au trafic de drogue.

Bien qu’il soit difficile de mesurer la “criminalité liée au trafic de drogue”, les motifs des interpellations ou des infractions constatées en France permettent de se faire une idée sur la question.

Ainsi, d’après le rapport annuel 2011 [PDF] de l’Institut national des hautes études de la sécurité et la justice (INHESJ), 49% des infractions constatées en France concernaient l’usage de stupéfiants (p.12).

Si l’on entend plutôt par “criminalité”, le nombre d’interpellations et leur motif, les propos de Marine Le Pen sont d’autant plus conformes à la réalité. En 2009, 86% des interpellations effectuées en France concernaient l’usage de stupéfiants, comme l’indique l’étude du même INHESJ [PDF] sur l’évolution du trafic de stupéfiants depuis 2005.

François Hollande “délégifère”

“Délégiférer”. Le néologisme était sorti de la bouche de Nicolas Sarkozy dans un entretien au Figaro Magazine, en mars 2010. Il désignait sa volonté de réduire le nombre de lois votées par l’Assemblée nationale. Mais d’après François Hollande, qui s’exprimait dans la Matinale de France Info le 19 mars dernier, l’annonce d’alors du Président de la République n’a jamais été honorée :

Jamais depuis cinq ans il n’y a eu autant de lois de votées : 264 lois !

Un nombre confirmé par le ministre chargé des relations avec le Parlement, Patrick Ollier, lors de la séance de l’Assemblée nationale du 6 mars 2012 [PDF]. Par comparaison, 233 lois avaient été votées par le Parlement sous la XIIème législature, qui correspond peu ou prou au second mandat présidentiel de Jacques Chirac.


[Mise à jour du 27 mars 2012 à 18h24]
Comme nous le suggère le commentaire d’un internaute (“MM”) ci-dessous, une définition plus stricte de la “criminalité” peut également être appliquée pour vérifier les propos de Marine Le Pen sur le trafic de stupéfiants.

Si l’on entend par “criminalité”, les peines criminelles – c’est-à-dire les peines d’une durée de “dix ans au moins”, comme l’indique l’article 131-1 du Code pénal -, alors celle-ci est infiniment peu “liée au trafic de drogue”. Car, d’après l’édition 2011-2012 de l’Annuaire statistique de la justice, publié par le ministère de la Justice le 9 février dernier, le nombre de crimes pour infraction à la législation sur les stupéfiants s’est élevé à 36 en 2009 (derniers chiffres disponibles) sur un total de 2756 peines pour crimes tous motifs confondus. Ainsi comptabilisée, la “criminalité” est donc liée à hauteur de 1,3% au “trafic de drogue”.

Dans un sens un peu plus large, on peut considérer que Marine Le Pen entendait par “criminalité” l’ensemble des condamnations pour délits en France, et non pour crimes. Mais là encore, le trafic de stupéfiants arrive loin derrière en termes de motifs de condamnations : seules 8,1% des condamnations pour délits prononcées en 2009 concernaient une infraction à la législation sur les stupéfiants. Les condamnations pour délit concernaient d’abord un autre type de “criminalité” , celle des infractions routières, au nombre de 243 135 en 2009.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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  1. L’équipe du Véritomètre a fixé des seuils de tolérance pour l’évaluation des chiffres des candidats : si la marge d’erreur entre le chiffre évoqué par le candidat et la donnée officielle disponible est comprise entre 0 et 5 %, nous considérons la citation comme “correcte” ; si la marge est entre 5 et 10 % on la qualifiera d’”imprécise”, enfin si la marge est de plus de 10% nous l’évaluerons comme “incorrecte” []

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